La colonisation de l'Abitibi, «un projet géopolitique»

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Asselin, Maurice (1982). La colonisation de l'Abitibi, «un projet géopolitique». Cahiers du département d'histoire et de géographie (4). Collège du Nord-Ouest, Rouyn-Noranda. Repéré dans Depositum à https://depositum.uqat.ca/id/eprint/422

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Résumé

Il en est du phénomène de la colonisation québécoise comme de n'importe
quel phénomène équivoque; chaque analyse qui en est faite privilégie un
aspect et n'est donc jamais tout-à-fait fausse ni tout-à-fait complète mais
simplificatrice si elle s'impose comme explication exclusive.
S'il est vrai, par exemple, que la colonisation abitibienne s'inscrit
dans les pratiques des classes sociales, dans une conjoncture donnée,
pourquoi n'y voir que la seule exploitation et ne pas être également frappé de
la riposte populaire aussi bien «observable» que la domination? On ne peut pas
soutenir longtemps que la colonisation, entendue comme retour à la terre, contribue
à la désorganisation du prolétariat paroissial quand - tout le monde le
sait - cette Abitibi, dont il est si bellement question dans le présent livre -
a été un des berceaux de mouvements populaires qui ont réussi dans l'appropriation
coopérative de leur environnement. Pourquoi s'attacher seulement au pouvoir
et aux réalisations d'un côté et montrer les seules impuissance et apathie de
l'autre. Le monde n'est pas ainsi dichotomisé; les classes exploitées défient
le Goliath capitaliste ou étatique: elles refusent le système à travers des
projets signifiants. L'impuissance chronique des intellectuels à agir n'a pas
à être projetée chez les colons de l'Abitibi et d'ailleurs, et chez tous les
oubliés des schématisations historiques, qui font eux aussi partie du levain de
l'histoire. En un certain sens, les pensées dogmatiques et la langue de bois
domestiquent mentalement peut-être davantage l'individu qui fait profession
d'élucider la réalité sociale que ne le fait le capital des colons et travaillants
dont l'imaginaire et l'action restent ouverts aux risques et aux innovations.
Le colon est d'abord un entrepreneur avant d'être un prolétaire. Qu'il
soit parti vers le Nord plutôt que d'aller aux États-Unis - il a souvent fait
les deux, dans les deux directions - devrait nous montrer à l'évidence que le
projet existe de vivre autrement dans un ailleurs; de vivre mieux que sur la
terre surpeuplée ou qui ne convient plus, ou dans la ville sans emploi. Le colon prend les moyens d'y parvenir et il est assez surprenant sinon scandaleux
de tenir pour «folklore» les guérillas et défis sociaux des paroisses de
colonisation contre les règles du jeu des capitalistes forestiers et contre
celles de l'État. C'est que certains intellectuels n'en veulent pas tant aux
colons de Roquemaure et de Guyenne d'avoir lancé et réussi des projets «dérisoires» qu'à leur propre incapacité à traduire ces initiatives en concepts
radicaux qui les habilleraient sur mesure. Les prêts à porter conceptuels de
la confection universitaire actuelle s'ajustent mal sur les corps non standards
des mouvements populaires. Mieux ou pire - c'est selon, et cela gêne les
faiseux de théorie - le discours, tenu par les clercs mêlés intimement à ces
mouvements globaux (de la région) ou ponctuels (de la paroisse), est un discours
au moins conservateur, d'aucuns diraient de droite. Comment se fier alors à
des clercs qui, comme le moindre étudiant de CEGEP l'apprend aujourd'hui, étaient
alliés au capital dans l'exploitation commune du petit peuple...? Haro
donc sur ces organisations et revendications dont rien ne peut sortir de bon
puisqu'entachées de la présence du curé et des vieilles solidarités villageoises
héritées de je ne sais quelle période obscure!
Et pourtant, ces mouvements, méprisés parce que hors du sens de l'histoire,
sans emphase idéologique, avec la plus vieille méthode du monde, c'est-à-dire par approximation à Roquemaure,
dès 1934, la première coopérative de consommation au Québec suivie
des premiers chantiers forestiers coopératifs et des formules coopératives dans
différents secteurs de la vie quotidienne, du téléphone aux frais funéraires.
Que fait-on de ces innovations sociales de Guyenne qui vont jusqu'à l'abolition
de la propriété privée du sol et au travail communautaire, sans faire référence
au marxisme, en plein temps de la dite Grande Noirceur canadienne-française?
Les régions de colonisation sont - l'Abitibi l'est de façon flagrante- des
lieux où s'opposent et se mêlent à la fois la réussite d'un mode économique
et le refus de ce mode. L'esprit d'entreprise et d'innovation habite autant
le colon que le bourgeois mais l'esprit ne souffle pas toujours dans la même
direction et l'échec de certains projets ne permet pas de les ignorer ou de les
rejeter pour leur insignifiance ou leur dérision. Les entreprises des hommes ne
sont pas dérisoires quand elles concernent leur dignité.

Type de document: Livre
Mots-clés libres: toponord geopolitique abitibi histoire colonisation
Divisions: Sciences humaines > Département d'histoire et de géopraphie
Date de dépôt: 06 nov. 2012 19:27
Dernière modification: 06 nov. 2012 19:27
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/422

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