Denneler, Bernhard (2004). Étude dendroécologique des peuplements riverains de cèdre blanc (Thuja Occidentalis L.) dans la région de la forêt boréale mixte de l'Ouest du Québec. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Repéré dans Depositum à https://depositum.uqat.ca/id/eprint/141
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Résumé
Plusieurs études dendroécologiques et dendroclimatiques effectuées dans la région boréale méridionale du Québec indiquent une augmentation des précipitations et, par conséquent, une diminution des périodes de sécheresse
comme effet principal du réchauffement atmosphérique observé depuis la fin du «Petit Âge Glaciaire» au milieu du XIXe siècle. Ce changement climatique aurait été causé par le recul du front polaire permettant aux masses d'air chaud et humide d'avancer vers des latitudes plus nordiques. Les conditions climatiques altérées ont modifié le régime hydrologique du lac Duparquet, un grand lac naturel au nord-ouest du Québec, en causant une augmentation de la fréquence des crues printanières de grande amplitude. Celles-ci ont eu des conséquences, surtout au niveau de
l'accroissement radial et du recrutement, pour les peuplements lacustres de frêne noir.
La présence de nombreux individus de cèdre blanc (Thuja occidentalis L.), âgés jusqu'à environ 500 ans, sur les rives du lac Duparquet a laissé supposer que l'analyse des peuplements riverains de cette espèce pourrait fournir des informations précieuses sur le changement du régime hydrologique à long terme de ce lac.
L'objectif général de cette thèse doctorale fut donc d'analyser les effets des changements hydrologiques du lac Duparquet sur la frange riveraine de cèdre blanc.
Nous sommes partis de l'hypothèse que les peuplements riverains de cèdre blanc se trouvent dans un déséquilibre démographique causé par la hausse du niveau d'eau du lac depuis le milieu du XIXe siècle. Les objectifs envisagés par cette étude sont i) la caractérisation des espèces arborescentes riveraines en relation avec leur
environnement abiotique, particulièrement par rapport à l'exposition aux perturbations riveraines, ii) l'évaluation de l'influence des inondations sur l'accroissement radial du cèdre blanc, iii) l'évaluation de l'effet des feux de forêt et des perturbations riveraines sur la dynamique des populations de cèdre et iv) la reconstitution des variations à long terme du niveau du lac Duparquet.
L'importance des facteurs environnementaux pouvant régir la distribution des espèces arborescentes fut évaluée pour les forêts ripariennes entourant le lac Duparquet. La présence et la surface terrière relative de 10 espèces arborescentes
ont été mesurées le long de 95 transects établis à partir du bord du lac jusqu'à 200 cm au-dessus du niveau d'eau moyen. Des régressions logistiques et des analyses
canoniques des correspondances ont été effectuées sur l'ensemble des données et pour les cinq types géomorphologiques de berges pris séparément (plaines
d'accumulation, plaines d'inondation, plages, terrasses et escarpements rocheux).
Le gradient d'élévation, reflétant les inondations saisonnières, s'est révélé le facteur principal expliquant la distribution des espèces. Le type de dépôt de surface, la
topographie, l'orientation et le temps écoulé depuis le dernier feu de forêt expliquent, du moins partiellement, les changements de composition observés pour chacun des
types géomorphologiques selon un gradient d'élévation. L'exposition aux perturbations riveraines, par contre, semble surtout exercer un effet indirect en déterminant la différenciation morphologique du périmètre lacustre. L'extraordinaire taille moyenne des cèdres occupant la zone riveraine pourrait indiquer un état de déséquilibre démographique relié aux changements du régime hydrologique du lac Du parquet.
Deux parties de cette étude furent consacrées à l'analyse de l'influence des inondations sur l'accroissement radial intra- et interannuel, respectivement, du cèdre blanc. L'activité cambiale de cette espèce fut suivie par des dendromètres manuels afin de i) retracer la période d'activité cambiale, ii) évaluer les effets de l'inondation
sur la croissance radiale, et iii) analyser les relations avec des facteurs météorologiques et hydrologiques. Les changements quotidiens de la circonférence de quatre arbres dans chacun des deux sites, l'un à l'intérieur et l'autre au-dessus de la zone riveraine, ont été enregistrés pendant la saison de croissance de 1996, une année caractérisée par une crue printanière extrême. Le bois initial s'est
développé de début juin jusqu'à la mi-juillet tel qu'indiqué par l'expansion nette et durable du tronc des arbres. Les changements synchrones et parallèles de la
surface terrière aux deux sites montrent que l'inondation n'a pas retardé l'initiation de la croissance et n'a pas eu d'effet négatif ni sur la dimension ni sur la durée de la
formation du bois initial chez les arbres riverains. Cette observation est expliquée par le retrait rapide des eaux juste avant le début de l'activité cambiale en juin. La
période de mi-juillet à la mi-août fut caractérisée par des fluctuations distinctes à court terme, causées par des périodes alternées de pluie et de sécheresse, et une
légère baisse de la surface terrière de tous les arbres sauf chez les deux individus les plus proches du lac pour lesquels les dendromètres enregistrèrent la formation du bois final. Le calcul de corrélations de Pearson avec les données météorologiques révèle que les changements quotidiens de la surface terrière des arbres sont positivement associés aux précipitations à l'exception de la période de la formation du bois initial, pendant laquelle les arbres ont probablement bénéficiés d'un taux d'humidité élevé dans le sol après la fonte des neiges. L'humidité moyenne et minimale de l'air corrélèrent positivement et la température maximale de l'air
négativement avec les variations quotidiennes de la surface terrière, démontrant ainsi l'importance des changements du flux de sève sur la circonférence du tronc des arbres.
Puisque les études déjà effectuées au lac Duparquet ont indiqué une augmentation du plan d'eau suite au changement climatique depuis le milieu du XIXe siècle, on a voulu évaluer indépendamment de ce lac naturel les réponses
principales des cèdres blancs riverains à une augmentation du niveau d'eau. À cette fin on s'est tourné vers le lac Abitibi, un grand lac naturel situé à une quinzaine de
kilomètres au nord du lac Duparquet qui fut transformé en réservoir après la construction consécutive de deux barrages sur la Rivière Abitibi. Le premier barrage
a rehaussé le niveau d'eau d'environ 1,2 m en 1915 tandis que le deuxième barrage a changé le régime hydrologique sans rehaussement additionnel du niveau d'eau en 1922. L'avantage d'un réservoir est de connaître le moment précis et l'amplitude de l'augmentation du niveau d'eau. Quoiqu'un rehaussement artificiel dépasse la vitesse et l'amplitude d'une augmentation naturelle du niveau d'eau, il peut quand
même servir comme modèle pour évaluer les réponses principales des arbres riverains à une augmentation du niveau d'eau. Si un tel événement ne cause pas de réaction de la croissance radiale, on ne peut pas non plus s'attendre à une réponse quand le niveau d'eau monte lentement en permettant aux arbres de s'adapter à
l'environnement changeant. L'objectif principal fut donc d'évaluer les réponses du cèdre blanc au stress physiologique des inondations (croissance radiale) ainsi qu'au régime modifié des perturbations riveraines (mortalité des arbres, cicatrices glacielles, bois de compression, mort partielle du cambium). Les effets primaires du rehaussement des eaux en 1915 ont été i) la mort instantanée des arbres qui ont formé l'ancienne lisière de la forêt et qui furent sévèrement affectés par la fréquence et l'intensité accrues des perturbations riveraines et ii) la blessure et l'inclinaison des cèdres survivants qui forment la marge forestière actuelle. Aucun de ces indicateurs n'a enregistré le changement du régime hydrologique sept ans plus tard. L'absence d'anomalies de la croissance radiale des cèdres riverains suite aux deux
événements hydrologiques indique que les inondations n'ont pas eu d'effet significatif sur le métabolisme des arbres. Il semble donc que les paramètres de croissance reliés aux perturbations, tels le bois de compression et les cicatrices
glacielles, sont les meilleurs indicateurs pour la reconstitution d'une augmentation à long terme du niveau d'eau des lacs naturels dont les berges sont fortement
exposées aux vagues.
La dynamique des populations de cèdre blanc et de frêne noir (Fraxinus nigra Marsh.) a été analysée pour déterminer l'impact des deux principales perturbations naturelles, feux de forêt et inondations, dont l'influence se chevauche à l'intérieur de la zone riveraine. La structure d'âge fut établie dans huit sites lacustres et terrestres au lac Duparquet caractérisés par une topographie en forme de terrasse et un degré variable d'exposition à l'activité des vagues et des glaces. Nous avons émis l'hypothèse que les peuplements riverains de cèdre blanc i) sont en déséquilibre
démographique causé par les niveaux d'eau montants depuis la fin du 'Petit Âge Glaciaire' (ca. 1850) et ii) sont protégés des incendies au contraire des peuplements des hautes terres.
Les résultats montrent que le frêne noir n'occupe que la zone riveraine (< 200 cm d'élévation) alors que le cèdre blanc ne s'approche pas à moins d'un mètre (vertical) du lac à l'exception de quelques semis. La structure d'âge du cèdre le long du gradient d'élévation montre que les arbres qui s'étaient établis avant le dernier feu de forêt sont presque complètement restreints aux basses terres (< 175
cm) où la survie de cette espèce susceptible aux feux bénéficie probablement de la proximité du lac. La distribution composée cumulative d'âge du cèdre blanc suit une fonction négative exponentielle typique pour des peuplements inéquiens avec un apport continu de graines. Cependant, la structure d'âge des peuplements exposés
aux perturbations riveraines indique un manque de recrutement après feu alors que celle des peuplements plus protégés indique une reproduction plutôt continue. Le
frêne noir, plus tolérant aux inondations et aux poussées glacielles que le cèdre, a commencé à envahir les terrasses riveraines autour de 1850, c'est-à-dire à la fin du
'Petit Âge Glaciaire'. Il semble donc que les parties exposées de la frange de cèdre autour du lac Duparquet sont en train de se désintégrer, particulièrement à cause du
faible taux de survie des semis et que cette espèce y est graduellement remplacée par le frêne noir. Ce développement est supposé continuer vu que le réchauffement atmosphérique sous l'influence de l'effet de serre devrait encore s'accentuer jusqu'au moins à la fin de ce siècle à peine commencé. Au fur et à mesure que les niveaux d'eau se stabiliseront, une nouvelle lisière de cèdre blanc pourrait s'établir sur la terre plus élevée.
Finalement, les changements de la limite inférieure du cèdre blanc témoignent des fluctuations à long terme du niveau d'eau dans le passé et indiquent trois périodes hydrologiques distinguées au Lac Duparquet: les niveaux relativement élevés d'avant - 1500 furent suivis par une baisse du niveaux des eaux d'environ 20 cm pendant le 'Petit Âge Glaciaire'(- 1500- 1850), une période relativement froide et sèche, qui fut suivie par une augmentation graduelle du niveau d'eau de 20 à 40 cm jusqu'à la fin du XXe siècle. Ces variations à long terme du niveau d'eau confirment les résultats d'autres études effectuées au Québec boréal et subarctique.
Type de document: | Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat) |
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Directeur de mémoire/thèse: | Bergeron, Yves |
Codirecteurs de mémoire/thèse: | Bégin, Yves |
Informations complémentaires: | Thèse présentée comme exigence partielle du doctorat en sciences de l'environnement. Réf. bibliogr.: f. 169-174. |
Mots-clés libres: | toponord thuya occidental foret boreal peuplement forestier climat changement climatique quebec ouest cedre blanc mixte abitibi |
Divisions: | Forêts > Doctorat en sciences de l'environnement |
Date de dépôt: | 27 févr. 2012 15:36 |
Dernière modification: | 11 oct. 2012 12:53 |
URI: | https://depositum.uqat.ca/id/eprint/141 |
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