Application de la tomographie de résistivité électrique pour la surveillance de la teneur en eau volumique dans les ouvrages de restauration minière

Téléchargements

Téléchargements par mois depuis la dernière année

Plus de statistiques...

Dimech, Adrien ORCID logoORCID: https://orcid.org/0000-0001-6078-4300 (2023). Application de la tomographie de résistivité électrique pour la surveillance de la teneur en eau volumique dans les ouvrages de restauration minière. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Repéré dans Depositum à https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1482

[thumbnail of Dimech (2023) PhD Thesis - TL-ERT monitoring of mining wastes.pdf]
Prévisualisation
PDF
Télécharger (30MB) | Prévisualisation

Résumé

L’activité minière génère d’importantes quantités de rejets durant le processus d’extraction et de concentration des métaux. D’une part, les roches peu ou pas minéralisées qui doivent être déplacées pour atteindre le minerai sont appelées roches stériles, et sont généralement empilées pour constituer des haldes à stériles pouvant mesurer plusieurs centaines de mètres de hauteur. D’autre part, les résidus miniers, issus du broyage du minerai et de l’ajout d’eau de procédé pour concentrer les métaux, sont déposés dans des parcs à résidus pouvant mesurer plusieurs dizaines de mètres de hauteur, et s’étendre sur plusieurs kilomètres carrés. La gestion des aires d’entreposage des rejets miniers constitue l’un des enjeux environnementaux les plus importants pour les compagnies minières, notamment à cause des risques d’instabilités géotechnique et géochimique. En effet, les faibles propriétés mécaniques des résidus rendent ces matériaux fins sensibles à la liquéfaction, ce qui peut entraîner des ruptures de digues aux conséquences humaines, environnementales et économiques catastrophiques. Par ailleurs, les sulfures contenus dans les rejets miniers peuvent s’oxyder au contact e l’oxygène atmosphérique et de l’eau, ce qui peut engendrer la génération de drainage minier contaminé, caractérisé par des pH très faibles et des concentrations élevées en métaux.

Plusieurs approches de gestion et de restauration ont été développées et mises en place sur les sites miniers au cours des dernières années pour réduire les risques de ruptures de digues en limitant la quantité d’eau dans les résidus et pour limiter en amont l’oxydation des rejets miniers par la mise en place de recouvrements contrôlant les flux d’eau et ou d’oxygène vers les rejets. Les couvertures à effet de barrière capillaire (CEBC) sont particulièrement prometteuses dans ce contexte puisqu’elles permettent de réduire les flux d’oxygène de l’atmosphère vers les rejets en maintenant une couche de rétention constituée de matériaux fins proche de la saturation. Une autre approche consiste à réduire l’infiltration nette d’eau vers les rejets grâce à une couche de matériaux fins compactés de faible conductivité dans des recouvrements appelés LSHCCs (pour low saturated hydraulic conductivity cover). La plupart de ces approches de gestion et de restauration sont basées sur le contrôle des flux d’eau dans les rejets ou dans les recouvrements et il est donc essentiel de déterminer la quantité d’eau et sa dynamique d’écoulement dans ces recouvrements pour estimer et surveiller leur performance en conditions réelles.

Néanmoins, les techniques de mesure conventionnellement utilisées pour mesurer la teneur en eau volumique dans les rejets miniers et les recouvrements sont basées sur des instruments ponctuels, dont le volume d’investigation est généralement limité à moins d’un litre (e.g.,sondes de teneur en eau volumique ou piézomètres) ou des observations de surface, dont la profondeur d’investigation est limitée à quelques centimètres (e.g., observations visuelles ou télédétection). Par conséquent, les mesures de teneur en eau volumique dans les rejets et les recouvrements sont très limitées dans l’espace et ne permettent de surveiller qu’une infime fraction des recouvrements qui sont mis en place sur des parcs à résidus à l’échelle du terrain. Il existe donc un besoin de développer des techniques de suivi de la teneur en eau volumique dans les rejets miniers et les recouvrements qui soient applicables à l’échelle des aires d’entreposage des rejets miniers, et qui puissent être utilisées en complément des approches traditionnelles pour étendre spatialement les mesures ponctuelles.

Les mesures géophysiques peuvent sembler prometteuses dans ce contexte puisqu’elles permettent d’estimer des paramètres physiques dans le milieu à partir de mesures indirectes, typiquement depuis la surface. Par ailleurs les mesures géophysiques sont non-invasives et applicables à de plus grandes échelles, typiquement le long de profils pouvant mesurer plusieurs kilomètres de longueur avec des profondeurs d’investigation pouvant aller à plusieurs centaines de mètres sous la surface. En particulier, la méthode électrique permet d’imager la distribution de la conductivité électrique dans le milieu, qui est directement affectée par la teneur en eau ainsi que par d’autres paramètres physiques tels que la température, la conductivité électrique du fluide interstitiel ainsi que la granulométrie et la minéralogie du milieu. Cette approche a un fort potentiel puisqu’il existe dans la littérature de nombreux exemples d’application pour lesquels la méthode électrique a permis de suivre l’écoulement de traceurs et d’imager la distribution spatio-temporelle de la teneur en eau. Néanmoins, il n’existe que peu d’applications de cette approche au suivi temporel de la teneur en eau dans des rejets miniers. En particulier aucune étude à ce jour ne permet d’établir la faisabilité et la pertinence de cette approche dans le contexte de la surveillance de la performance des ouvrages de restauration minière ni de quantifier la précision de la teneur en eau qui serait estimée à partir des mesures électriques dans des recouvrements multicouches construits en partie avec des rejets miniers.

Dans ce contexte, cette thèse vise à évaluer le potentiel de la méthode électrique comme approche complémentaire aux techniques conventionnelles pour effectuer un suivi autonome de la teneur en eau dans les ouvrages de restauration minière à l’échelle pilote sur le terrain. En particulier, des recouvrements expérimentaux à l’échelle pilote ont été instrumentés et suivi durant deux ans pour évaluer la précision de l’estimation de la teneur en eau à partir des mesures électriques et servir de "preuve de concept" en conditions réelles sur un site minier.

Dans un premier temps, une revue bibliographique exhaustive a permis de constituer une base de données comprenant 650 études permettant d’identifier les meilleures pratiques de suivi électrique disponibles dans la littérature pour de nombreux types d’application tel que le suivi des glissements de terrain ou du pergélisol. La revue a notamment permis de mettre en évidence les récents développements qui favoriseront l’application de la méthode électrique pour le suivi des rejets miniers, comme le développement de résistivimètres autonomes permettant d’acquérir les données électriques quotidiennement et de les transférer vers des serveurs à distance. Une base de données de 150 études ayant appliqué la méthode électrique pour la caractérisation des rejets miniers a également été constituée. Cette deuxième base de données a permis d’identifier les applications les plus prometteuses pour le suivi temporel des rejets. La revue a aussi permis de mettre en évidence les défis posés par l’application de la méthode électrique dans les rejets miniers, comme la complexité de prédire avec précision la teneur en eau dans des matériaux où la température et la conductivité électrique du fluide interstitiel peuvent varier significativement dans le temps et dans l’espace. Ces observations ont permis d’établir une méthodologie de recherche pour étudier ces enjeux à l’échelle de l’échantillon, du laboratoire et du terrain afin de maximiser la précision de l’approche électrique.

Plusieurs dispositifs expérimentaux de laboratoire ont été mis en place pour mesurer simultanément la teneur en eau et la conductivité électrique du milieu dans les matériaux utilisés pour la construction des recouvrements expérimentaux à l’échelle pilote. Ainsi, un dispositif basé sur les cellules Tempe a été proposé pour inclure des mesures électriques dans un échantillon de petite taille soumis à une pression croissante conduisant à son drainage. Ces "cellules Tempe électrique" ont ainsi permis d’établir la relation entre succion, teneur en eau et conductivité électrique en conditions contrôlées (température et conductivité électrique du fluide connues) pour calibrer des modèles pétrophysiques simples dans les résidus miniers. Des dispositifs expérimentaux de plus grandes dimensions ont également été mis en place pour mesurer l’évolution spatio-temporelle de la teneur en eau à l’aide de sondes et de la conductivité électrique à l’aide d’électrodes. Ces données ont également permis d’estimer la relation pétrophysique in situ des matériaux. La comparaison entre les modèles pétrophysiques calibrés à petite, moyenne échelle en laboratoire et à l’échelle pilote sur le terrain a permis de démontrer que la relation pétrophysique déterminée à l’échelle du laboratoire restait applicable à l’échelle pilote sur le terrain. Cette comparaison multi-échelle a aussi permis de quantifier la précision des estimations de teneur en eau par la méthode électrique qui était de ±0.03 m3/m3, soit une précision similaire à celle des sondes hydrogéologiques conventionnelles. Néanmoins, cette approche a mis en évidence l’importance de prendre en compte l’effet de la température et de la conductivité électrique du fluide interstitiel dans les rejets pour estimer la teneur en eau volumique à partir des données électriques avec précision. En effet, la précision des estimations de teneur en eau volumique était diminuée d’un facteur dix si ces paramètres n’étaient pas pris en compte adéquatement sur le terrain.

La méthode électrique a également été testée en conditions réelles dans des recouvrements expérimentaux mesurant 280 m de long et 18 m de large, construits à la Mine Canadian Malartic entre 2019 et 2020. Des sections mesurant 23 m de long ont été instrumentées de sondes de teneur en eau et d’électrodes pour imager distribution spatio-temporelle de la teneur en eau en continu pendant plus d’un an. Les électrodes géophysiques ont été installées dans la couche de rétention d’eau constituée de résidus de deux sections de CEBC, et dans la couche de faible conductivité hydraulique constituée de mort-terrain compactés pour deux sections de LSHCC. Un résistivimètre autonome PRIME a été installé sur le site et les données quotidiennes ont été inversées pour imager la teneur en eau dans les recouvrements pour différentes conditions hydrogéologiques (avec ou sans pente, en haut ou en bas de pente, avec ou sans végétation). Les données de terrain ont permis de caractériser le comportement hydrogéologique des sections de CEBC et de LSHCC instrumentées, et ont été utilisées pour quantifier la performance des sections de CEBCs en utilisant un degré de saturation de 85% dans la couche de rétention d’eau comme critère de performance. La comparaison entre les données ponctuelles et géophysiques a permis de quantifier la précision des teneurs en eau prédites par la méthode électrique pour les différents recouvrements expérimentaux (entre ±0.02 m3/m3 et ±0.03 m3/m3), ce qui constitue une "preuve de concept" du potentiel que représente l’approche électrique comme méthode complémentaire à la surveillance de performance des ouvrages de restauration minière à l’échelle du terrain.

L’ensemble des travaux, des observations et des résultats présentés dans cette thèse ont été combinés pour mettre en place un guide de conception pour de futurs dispositifs de suivi de performance d’ouvrages de restauration à l’échelle du terrain incluant des mesures électriques. L’objectif de cette discussion est d’aider quiconque serait intéressé.e à ré-appliquer la méthodologie présentée dans cette thèse à identifier les éléments les plus importants qui seront nécessaires à la conception et la mise en place d’un dispositif de suivi adapté ainsi que pour l’acquisition, le traitement et l’interprétation des données électriques dans le contexte de la restauration minière.

Type de document: Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat)
Directeur de mémoire/thèse: Cheng, Li Zhen
Codirecteurs de mémoire/thèse: Bussière, Bruno et Chouteau, Michel
Informations complémentaires: Institution en extension : Polytechnique Montréal
Mots-clés libres: Tomographie de résistivité électrique, géophysique, restauration minière, recouvrements multi-couches, surveillance de performance, teneur en eau volumique
Divisions: Génie > Doctorat sur mesure
Date de dépôt: 08 août 2023 13:19
Dernière modification: 19 sept. 2023 17:43
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1482

Gestion Actions (Identification requise)

Dernière vérification avant le dépôt Dernière vérification avant le dépôt