Ambec, Nils (2023). Communautés de bryophytes et plantes vasculaires des habitats rares de l’Abitibi-Témiscamingue en relation avec les variables climatiques ou géochimiques. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Repéré dans Depositum à https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1511
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Résumé
L’être humain a altéré ou remplacé 75% des systèmes terrestres planétaires, avec un rythme croissant de façon exponentielle depuis le début de la mondialisation. Ces modifications, couplées aux changements climatiques globaux, obligent tous les organismes à des adaptations extrêmement rapides à l’échelle de leur évolution, qu’elles soient physiologiques ou écologiques. Les plantes, à travers leur mode de vie fixe, sont particulièrement vulnérables aux menaces que représente les activités anthropiques et les changements globaux car elles sont forcées de s’adapter ou de s’éteindre. Ce n’est qu’à travers la dispersion de leurs propagules que les plantes peuvent migrer, lorsqu’un habitat propice est accessible pour leur établissement. Le système boréal ne fait d’ailleurs pas exception aux menaces anthropiques car, malgré une faible densité de population, c’est par exemple 23% du domaine du domaine boréal canadien qui a déjà été altéré par les activités humaines. Les changements climatiques sont de surcroît accélérés dans les régions les plus froides, comme le montrent les récents pics de chaleurs aux pôles ou les canicules récurrentes des régions boréales.
Le domaine boréal a longtemps été perçu comme une zone du globe hébergeant une biodiversité de façon homogène à l’échelle régionale. Cependant, des études de plus en plus nombreuses tendent à prouver le contraire. Des habitats rares à l’échelle régionale ont par exemple été décrits dans le domaine boréal. Ces habitats peuvent résulter de la structure forestière, d’une géologie particulière ou bien encore de l’histoire de la zone en question. Dans un contexte d’anthropisation grandissante, ces habitats sont d’autant plus menacés qu’ils ne se retrouvent pas en grande quantité sur le territoire : cela signifiant que leur disparition peut signifier une extinction locale des espèces en étant dépendante pour se développer.
C’est dans ce contexte que prend place la présente thèse, dans la région de l’Abitibi, à l’ouest du Québec, au Canada. Parmi les quelques collines de cette région très plate, les plus hautes étaient dans une situation anciennement émergée, soit des îles, durant la présence du lac proglaciaire Ojibway de 10 200 BP (Before Present = avant aujourd’hui) à 8 200 BP. Ces collines ont été colonisées à partir de la marge sud du lac, 1 000 ans avant le reste du territoire, alors submergé. Les dépôts glaciolacustres accumulés sur deux millénaires ont recouvert le socle de roche mère de la région lors de la décharge du lac proglaciaire Ojibway, créant ce que l’on appelle aujourd’hui la ceinture d’argile. Cette dernière s’étale entre l’Ontario et le Québec et recouvre un large socle de roches mafiques vieilles de 2,5 milliards d’années : la ceinture verte de l’Abitibi. L’argile superposée aux roches mafiques de façon extensive suggèrerait une apparente homogénéité du sol de la région d’étude.
Cette région, très plate, est couverte à 85% de forêts altérées par les activités humaines, faisant en sorte que les vieilles forêts sont devenues un habitat de plus en plus rare, bien qu’une partie d’entre elles se retrouvent sur les rares massifs de la région. Cependant, bien que la foresterie couvre de plus grandes surfaces de ce territoire, ce sont les mines qui constituent le premier secteur économique de la région, en particulier les mines d’or. De façon générale, les sites miniers abandonnés ont de fortes concentrations de métaux lourds dans leurs sols, bien que les éléments concentrés dans ces résidus d’exploitation minière varient selon le minerai extrait et la technique employée pour l’extraire. Cette concentration non-naturelle de métaux lourds mais aussi d’autres éléments chimiques en fait des habitats ouverts et stressants pour la croissance des plantes. Dans un contexte dominé par les forêts et les milieux humides, ces milieux décapés et ouverts représentent un habitat rare à l’échelle régionale. Les uniques milieux naturels pouvant s’en rapprocher sont les affleurements ultramafiques et les affleurements calcaires qui présentent également des sols créant des conditions de croissance stressantes pour les plantes sur le long terme. Les secteurs exposés en amont des barrages de castor abandonnés, bien que n’offrant pas de sols stressants pour la croissance des plantes, représentent également un milieu naturellement ouvert durant un cours laps de temps avant d’être colonisés. Cette ouverture du milieu peut également être comparée aux affleurements rocheux secs et humides que l’on retrouve sur les rares collines de la région, bien qu’ils ne créent pas de stress géochimique à la croissance des plantes.
Ces habitats rares que constituent les collines, leurs vieilles forêts et affleurements rocheux secs et humide, les vieilles forêts de plaine et les milieux naturellement ouverts à cause du stress géochimique qu’ils créent pour la croissance des plantes sont peu étudiés à l’échelle régionale en comparaison des forêts et tourbières de la plaine.
Les principales problématiques abordées dans cette thèse étaient de savoir si ces habitats hébergent des plantes rares et une richesse spécifique originale mais également de savoir s’ils hébergent des communautés différentes entre eux, et pour quelles raisons. L’étude poussée des communautés végétales de plantes vasculaires et de bryophytes de ces habitats permettra de découvrir leur biodiversité mais également de caractériser les assemblages spécifiques qu’on y retrouve. La prise en compte de la température et de l’humidité relative pour les collines, et de la géochimie pour les substrats stressants permettra une appréciation plus fine expliquant les variations d’assemblages spécifiques que l’on pourrait observer lorsqu’on les compare entre eux.
Côté climat, cette thèse a permis de découvrir que celui retrouvé en haut des collines de la région est significativement plus chaud de 2°C que celui retrouvé en plaine bien que les forêts des collines anciennement submergées aient une température significativement plus importante que les collines anciennement émergées. Cependant, le nombre de jours de gel durant la saison végétative ne diffère pas entre les deux types de collines ni entre les collines et la plaine. De plus, les forêts des collines les plus hautes de la région concentrent une humidité relative plus importante que les collines anciennement submergées. Ces différences climatiques ne semblent pas influencer la richesse spécifique mais ont un impact significatif sur les formes de croissance des végétaux étudiés, pouvant éventuellement influencer à long terme les communautés végétales des collines anciennement émergées.
Nous avons aussi découvert que les collines anciennement émergées hébergent deux fois plus d’espèces de bryophytes qui leur sont exclusives que les collines anciennement submergées mais qu’il s’agit de l’inverse pour les espèces de plantes vasculaires exclusives. On retrouve ce même contraste entre les vieilles forêts de plaine ou de colline et les catégories de jeunes forêts de plaine. Cependant, les vieilles forêts des collines ont un nombre d’espèces indicatrices de bryophytes et de plantes vasculaires bien plus élevé que les vieilles forêts de plaine, notamment avec 6 espèces d’arbre, ce qui implique des différences structurales forestières majeures. Nous suggérons qu’en plus d’avoir une température plus élevée qu’en plaine, les zones abritées de forêt de colline en général puissent éviter de façon chronique les feux de forêt, impliquant des structures de vieille forêt différentes de celles retrouvées en plaine. De surcroît, les plus hautes collines sont plus accidentées encore et permettraient sûrement, comme le suggère l’humidité relative de leurs forêts, une protection locale accrue contre les feux extensifs, et l’entretient de forêt ancienne plus humides et ombragées encore que celles des collines les moins hautes. Ce point explicite clairement que ces différences ne semblent pas provenir d’une colonisation opérée un millénaire avant le reste du territoire.
Les résultats obtenus sur les anciens sites miniers, en revanche, montrent que leur géochimie variable se rapproche parfois de celle de sites naturels, spécialement les affleurements calcaires. Comme la géochimie semble fortement conditionner les variations des communautés végétales qu’on y trouve, cela conduit à des cortèges de sites miniers qui peuvent ressembler à des cortèges naturels. Les espèces de bryophytes ont une meilleure valeur indicatrice en ce sens, car elles montrent toujours des tendances plus marquées que chez les vasculaires lorsque l’on compare les habitats ou anciennes situations de collines. La quasi-totalité des espèces retrouvées sont généralistes et/ou rudérales dans la région.
Ces résultats permettent de mettre en lumière un climat, une richesse spécifique et des communautés uniques aux collines de l’Abitibi. La grande variabilité des communautés végétales généralistes des sites miniers, en revanche, devrait donner des pistes lorsqu’arrive le temps de les restaurer. Ces derniers n’offrent pas un apport spécifique original significatif à l’échelle de la région. Cette étape est importante dans un contexte d’exploration minière et d’exploitation forestière vouées à augmenter, car connaître les subtilités des habitats potentiels d’un territoire pour une espèce avant qu’ils disparaissent est vital pour cette espèce, et la complexité du paysage.
Type de document: | Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat) |
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Directeur de mémoire/thèse: | Fenton, Nicole J. |
Codirecteurs de mémoire/thèse: | Bergeron, Yves |
Mots-clés libres: | communautés végétales, bryophytes, plantes, climat, collines, géochimie, sites miniers, contrastes |
Divisions: | Forêts > Doctorat en sciences de l'environnement |
Date de dépôt: | 26 oct. 2023 13:59 |
Dernière modification: | 26 oct. 2023 13:59 |
URI: | https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1511 |
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