Comportement hydrogéochimique de rejets miniers issus de pegmatites à spodumène

Téléchargements

Téléchargements par mois depuis la dernière année

Roy, Tomy (2023). Comportement hydrogéochimique de rejets miniers issus de pegmatites à spodumène. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Repéré dans Depositum à https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1550

[thumbnail of these_TomyRoy_finale.pdf]
Prévisualisation
PDF
Télécharger (21MB) | Prévisualisation

Résumé

Le lithium (Li) est présentement considéré comme une ressource « critique » ou « stratégique » en raison de son utilisation dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques. Cet élément peut être extrait de plusieurs sources, dont le spodumène (LiAlSi2O6), un minéral trouvé dans certains types de pegmatites. Malgré l’ancienneté de l’exploitation des pegmatites à spodumène, les impacts environnementaux de cette exploitation et leurs effets sur la qualité de l’eau sont encore peu documentés.
Il ressort d’une revue critique de la littérature disponible que l’une des principales caractéristiques
des rejets de mines de pegmatite à spodumène est la présence de spodumène résiduel à des niveaux atteignant quelques points de pourcentage massique. Cela est à la source de concentrations peu communes en Li dans les eaux de drainage, de l’ordre de 0,1 à plus de 10 mg/L. Bien que l’extraction du Li du spodumène soit difficile et nécessite notamment un traitement thermique à plus de 1 000 °C selon les procédés conventionnels, ce minéral est paradoxalement reconnu depuis longtemps pour être sujet à l’altération météorique, perdant son contenu en Li et se transformant éventuellement en minéraux argileux. L’effet des microorganismes sur la dégradation du spodumène semble limité et souvent indirect et les quelques essais réalisés à des fins hydrométallurgiques jusqu’à maintenant sont peu concluants.
Face à ce constat et à l’intérêt grandissant pour cette ressource, l’objectif principal de cette thèse
est d’évaluer le comportement géochimique et hydrogéologique de lithologies et rejets provenant de l’exploitation minière des pegmatites à spodumène. Les échantillons étudiés proviennent de
deux sites miniers situés au Québec. Le site Whabouchi, près de Nemaska dans le Nord-du-Québec, est une mine en développement d’où quelques milliers de tonnes de roches ont été extraites pour la réalisation d’essais de traitement du minerai à l’échelle pilote. De ce site, le minerai brut, les roches stériles (réparties en 4 lithologies : pegmatite stérile, basalte, gabbro, autres roches felsiques) et divers matériaux issus des essais pilotes (minerai broyé et tamisé, rejet de séparation par milieu dense, rejet de flottation du spodumène, mélange minerai broyé et tamisé-rejet de flottation) ont été échantillonnés. Ces échantillons ont été caractérisés de manière détaillée et soumis à des essais cinétiques visant à prédire la qualité des lixiviats qu’ils génèrent, et ce, à différentes échelles tant en laboratoire (mini-cellules d’altération, colonnes) qu’au site Whabouchi même (cellules expérimentales de plusieurs dizaines de tonnes chacune). Les cellules expérimentales ont été utilisées durant 4 années complètes consécutives et certaines d’entre elles comprennent des sondes de température, de teneur en eau volumique et de succion matricielle. Le second site à l’étude, Québec Lithium, est situé à La Corne en Abitibi-Témiscamingue. Une mine de Li y a été exploitée de 1955 à 1965. Des sels de Li étaient aussi produits sur place à partir du minerai. Un parc à résidus contenant environ 750 000 tonnes de résidus s’y trouve et, à part la végétalisation de sa surface, n’a fait l’objet d’aucune modification depuis 1965. Cinq forages verticaux atteignant une profondeur maximale de 10 m, positionnés le long d’une ligne diagonale traversant le parc à résidus d’une extrémité à l’autre, y ont été réalisés afin de caractériser les résidus.
Le minerai et les échantillons issu des essais pilotes du site Whabouchi ont une composition minéralogique similaire dominée par les feldspaths (principalement sodiques), le quartz, le spodumène et la muscovite. Les principaux minéraux accessoires sont la biotite, les oxydes de Nb- Ta, le grenat, l’apatite et divers minéraux uranifères. À part le contenu en spodumène, le traitement du minerai n’affecte pas significativement la minéralogie. Les lixiviats générés durant les essais cinétiques de laboratoire sont neutres à légèrement alcalins (pH 7-8). De façon générale, les concentrations en solutés diminuent rapidement durant les premiers rinçages, sont plus élevées en colonnes qu’en mini-cellules d’altération et sont plus élevées pour les matériaux les plus finement grenus tels que le rejet de flottation. La mobilité des métaux n’est pas nécessairement proportionnelle à leur abondance dans les solides et suit l’ordre Ca (dizaines de mg/L) > Na, K (0,1 à > 10 mg/L) > Li, U (< 1 à < 10 mg/L) > Mn, Fe, Al (< 1 mg/L). Be n’est que rarement détecté et ne dépasse pas 1 μg/L. La mobilité de l’U semble liée à la présence de minéraux micrométriques de Ca-(Si ou P)-uranyle remplissant des fractures et des vides aléatoires plutôt qu’à la présence d’uraninite associée aux oxydes de Nb-Ta et aux zircons. La littérature et des calculs d’équilibre thermodynamique suggèrent que la formation de complexes de Ca-uranyle-carbonate favorise la mobilité aqueuse de l’U. Ces calculs ne suggèrent que les oxyhydroxydes de métaux et les minéraux argileux comme minéraux secondaires potentiels ; les résultats expérimentaux indiquent qu’Al et Fe forment des particules colloïdales. La comparaison des taux surfaciques de génération, tenant compte à la fois de la distribution granulométrique, de la fréquence des rinçages et du ratio liquide/solide, fait ressortir les effets du protocole d’essai cinétique suivi et du traitement du minerai sur la réactivité des matériaux. L’échantillon le plus transformé, le rejet de flottation, donne les plus faibles taux de génération pour tous les éléments considérés, alors que les essais en minicellules d’altération donnent les taux les plus élevés.
In situ, les matériaux fins (granulométrie d’un sable) issus du traitement du minerai ont un comportement géochimique très semblable à ce qui est observé avec les essais cinétiques de laboratoire, mais à quelques différences près. Une brève (moins de 2 ans) augmentation des concentrations en Fe, qui dépassent plusieurs mg/L et provoquent une accumulation de précipités à la sortie des drains, est observée, ce qui n’était pas le cas en laboratoire. En retour, les concentrations d’U diminuent et l’acidité titrée augmente durant cet épisode, mais reviennent à leurs niveaux initiaux dès qu’il est terminé. La source de ce fer est vraisemblablement l’oxydation du ferrosilicium (utilisé comme milieu dense lors du traitement du minerai) résiduel, et certaines caractéristiques des essais de laboratoire (présence d’un géotextile, d’une céramique ou d’un filtre au fond des dispositifs, ratio liquide/solide important et régulier) expliquent pourquoi cela n’a été observé qu’in situ. Le comportement hydrogéologique de ces matériaux est marqué par une rapide réponse aux conditions climatiques ambiantes. Compte tenu de leur granulométrie correspondant à celle d’un sable, ils sèchent et se drainent facilement, l’infiltration nette étant estimée à 55% des précipitations reçues entre juin et octobre 2021.
Les lithologies de roches stériles du site Whabouchi, composées principalement d’amphiboles, de feldspaths et de quartz, contiennent quelques sulfures accessoires, surtout de la pyrrhotite. Toutefois, aucune génération de drainage minier acide n’est survenue (ni en laboratoire, ni in situ après 4 ans) et n’est anticipée au vu des résultats obtenus.
Les résidus de flottation du site Québec Lithium sont aussi composés de feldspaths principalement sodiques, de quartz, de spodumène résiduel (jusqu’à 12%) et de micas. La répartition spatiale des teneurs en métaux est hétérogène, mais n’est pas liée à la position de la nappe phréatique ou à la profondeur. Au microscope, l’état des surfaces du spodumène ne dépend pas non plus de la profondeur, plusieurs grains ayant encore des surfaces fraîches. Aucune accumulation de minéraux secondaires (argiles ou autres) n’a été observée. Une extraction séquentielle réalisée sur certains échantillons indique également que la mobilité de la plupart des métaux, dont Li et Be, ne dépend pas de la profondeur et que les processus secondaires de rétention (adsorption, échange ionique) ne jouent qu’un rôle marginal. Les éléments contenus dans des silicates (Al, Li, Be, K, Rb) atteignent des taux d’extraction inférieurs à 5%. En outre, ces résultats sont similaires à ceux obtenus avec le rejet de flottation du site Whabouchi. Toutefois, les rejets de production de sels de Li, retrouvés à deux endroits, sont beaucoup moins résistants aux étapes de l’extraction faisant intervenir des acides (taux d’extraction jusqu’à 10 fois plus importants que pour les rejets de flottation). Cela est dû à leur minéralogie particulière, riche en zéolites s’étant formées après la calcination et la lixiviation du concentré de spodumène. L’eau interstitielle des résidus du parc contient encore entre 1 et 2 mg/L de Li plus de 55 ans après sa fermeture.
Cette étude a permis de mieux comprendre la géochimie environnementale des pegmatites à spodumène, des rejets qui en sont issus ainsi que leur vieillissement sur plusieurs décennies. Les résultats ont montré que des minéraux peu abondants peuvent néanmoins être une source non négligeable de solutés dans les lixiviats. Au terme de cette étude, il est notamment recommandé d’accorder une attention particulière à la récupération des minéraux d’intérêt et des additifs recyclables (notamment le spodumène et le ferrosilicium, afin de minimiser les teneurs en Li et en
Fe dans les eaux de drainage) ainsi qu’aux facteurs pouvant augmenter la mobilité des métaux, spécialement la présence de minéraux acidogènes.

Type de document: Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat)
Directeur de mémoire/thèse: Plante, Benoît
Codirecteurs de mémoire/thèse: Demers, Isabelle et Benzaazoua, Mostafa
Informations complémentaires: Institution en extension : Polytechnique Montréal
Mots-clés libres: Lithium, Spodumène, Pegmatite, Géochimie, Essais cinétiques, Rejets miniers
Divisions: Mines et eaux souterraines > Doctorat en génie minéral
Date de dépôt: 08 avr. 2024 15:01
Dernière modification: 08 avr. 2024 15:01
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1550

Gestion Actions (Identification requise)

Dernière vérification avant le dépôt Dernière vérification avant le dépôt