Étude des tourbières en Eeyou Istchee Baie-James : de l’assemblage des communautés végétales aux scénarios futurs sous l’effet des changements climatiques

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Indorf, Marc-Frédéric (2023). Étude des tourbières en Eeyou Istchee Baie-James : de l’assemblage des communautés végétales aux scénarios futurs sous l’effet des changements climatiques. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Depositum. https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1649

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Résumé

Nous vivons dans un monde de changements majeurs dont l’accélération se précipite, se répercutant à toutes les échelles du vivant, de la planète au génome. Documenter ces changements permet d’en garder une trace, mais plus encore, nous amène à voir et à être capable d’en mesurer l’amplitude, et, dans certains cas, sert même à prédire les scénarios futurs possibles. Par la suite, et en prenant appui sur les résultats des analyses de cette documentation, les décisions de l’homme, quant au développement et à l’aménagement du territoire pourront être prises en connaissance de cause, et davantage capables d’intégrer ces changements, ce qui permettrait ainsi une meilleure adaptation et prévision des conditions de vie futures.

Cette thèse choisit naturellement la voie de la documentation, de l’analyse et de la prévision, car elle cherche à mieux comprendre la biodiversité végétale des tourbières en territoire d’Eeyou Istchee Baie-James (EIBJ), Québec, Canada. Ces milieux occupent une part importante, jusqu’à 50-60 %, du paysage selon les régions. Malgré sa faible population, ce territoire représente un intérêt économique majeur pour le Québec en raison de ses ressources minières et hydro-électriques. L’éco-tourisme prend également sa place dans l’économie de la région avec les nombreuses pourvoiries qui accueillent un nombre élevé de visiteurs annuels pour la chasse, la pêche, le canotcamping, et bien d’autres activités.

Au total, trente-six sites représentant la diversité des tourbières du territoire ont été repérés le long d’un transect de 700 km. Dans chaque tourbière, des données de présence et d’abondance des espèces végétales ainsi que des mesures environnementales ont été relevées pendant les étés de 2018 et 2019. Les végétaux visés comprenaient les trachéophytes et les bryophytes. Ces derniers étaient divisés en hépatiques, sphaignes et bryophytes sensu stricto. En même temps, les données sur les lichens de plusieurs de ces mêmes tourbières – issues d’un projet de maîtrise (Route, 2020) – ont été incorporées dans le Chapitre 2. Les analyses en laboratoire des échantillons de tourbe et d’eau ont suivi la phase de terrain, de même que l’identification des échantillons de plantes avec le concours de spécialistes des genres difficiles. Signalons qu’un projet de doctorat mené en parallèle a visé les vertébrés des milieux humides de ces mêmes régions (Feldman, 2023) – tandis que deux autres projets abordaient les enjeux d’utilisation et d’occupation de ces milieux par les communautés autochtones (Grant, en cours; Thomas, en cours).

Nous nous sommes d’abord penchés sur la distribution des espèces en communautés et sur les facteurs d’assemblage qui ont agi à travers quatre niveaux spatiaux pour produire les communautés observées (Chapitre 2). Existe-t-il une structuration des communautés à chaque échelle spatiale ? et, si oui, comment cette échelle spatio-hiérarchique influence-t-elle cette structuration ? et existe-t-il des différences entre groupes taxinomiques ?

Les différents facteurs d’assemblage – qu’ils soient biotiques, abiotiques ou stochastiques – produisent des effets observables de convergence ou de divergence entre les communautés. À partir de ce postulat, il a été possible de comparer les communautés observées (par Indice de Jaccard de similarité) aux communautés obtenues par randomisation, c’est-à-dire une distribution purement aléatoire des espèces sans structuration sous-jacente, appelée « hypothèse nulle ».

Nous avons observé une influence importante de l’échelle spatiale sur la formation de communautés et des différences entre groupes taxinomiques, mais les résultats ne validaient pas toujours nos hypothèses. Les signes de convergence, c’est à dire les interactions biotiques dominaient à l’échelle locale et les facteurs abiotiques à l’échelle territoriale. En revanche et contrairement à toute attente, les facteurs environnementaux ne montraient pas d’influence notable à l’échelle régionale. À leur place, les processus stochastiques – par exemple la contingence historique, les effets prioritaires, la dispersion et la dérive des populations – étaient apparents. Que les effets de ces facteurs environnementaux soient absents ou intégrés à d’autres niveaux spatiaux, leurs effets n’ont pas produit de patron directement discernable.

En deuxième, est abordée la question de l’importance véritable des facteurs environnementaux sur la distribution des espèces (Chapitre 3). Ces facteurs, sont-ils importants pour tous les groupes taxinomiques et toutes les classes de tourbières ?

Le partitionnement de la variance et les Analyses canoniques de redondance (ACR) démontrent que oui, les facteurs environnementaux expliquent une partie de la distribution des espèces (environ 25 %), mais que les réponses par groupes taxinomiques diffèrent selon les facteurs, par exemple, les trachéophytes répondaient davantage à la qualité de l’eau, les bryophytes aux minéraux dissous et les sphaignes aux caractéristiques physiques. Les résultats obtenus suggèrent que la géologie et le climat ont des effets marginaux, mais non négligeables. En outre, ce troisième chapitre,
qui a étudié la diversité taxinomique, soulève la question du type de diversité qui serait la plus pertinente pour étudier l’assemblage des communautés : la diversité fonctionnelle définie par les niches, la diversité phylogénétique ou la diversité taxinomique.

Enfin, nous nous sommes attardés sur les scénarios futurs des tourbières en EIBJ à l’horizon de 2100 (Chapitre 4). Quelle en est la tendance générale ? Les tourbières, montrent-elles des capacités de résilience face aux situations futures ? Existe-t-il des points de basculement qui risquent de bousculer ces habitats ?

L’utilisation du modèle DigiBog, un modèle déterministe, a permis d’explorer les différentes trajectoires possibles, sans pour autant modéliser l’évolution de chaque tourbière. Le manque de données pour calibrer les modèles climatiques régionaux et les différents paramètres du modèle DigiBog en sont la cause. De façon très généralisée, les tourbières se montrent résilientes aux changements climatiques dans leur fonctionnement global mais l’incertitude quant à cette résilience s’accroît considérablement avec le temps. Malgré leur stabilité fonctionnelle, les communautés végétales devront évoluer pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques et hydrologiques.

Toutefois, cette stabilité est limitée et les précipitations semblent entraîner plus d’effets que les températures. À l’échelle de 10-20 ans, les aléas climatiques extrêmes risquent d’avoir plus de répercussions sur les tourbières que les tendances générales à l’échelle du siècle. Par exemple, une augmentation constante des précipitations sur plusieurs années, suivie d’une réduction massive (signe de sécheresse soudaine), risque de déstabiliser la tourbière, même jusqu’à la faire basculer vers d’autres systèmes non
tourbeux.

Ces trois étapes nous ont permis de dresser un bilan qui se veut être le plus exhaustif possible à l’heure actuelle quant à la végétation des tourbières en EIBJ. Il permet d’identifier les classes de tourbières existantes, d’établir les liens entre la végétation et les différents facteurs en fonction de la classe de tourbière et du groupe taxinomique, et d’explorer les réponses possibles de ces tourbières aux changements climatiques. Ce travail a souligné les domaines de connaissances qui méritent d’être approfondis, notamment en ce qui concerne l’EIBJ : les interactions biotiques entre espèces de tourbières, les processus stochastiques d’assemblage, l’hydrologie à l’échelle locale en EIBJ, la géologie du territoire et les processus de minéralisation, de conductivité hydrologique, d’évapotranspiration et de productivité primaire au sein des systèmes tourbeux. Même en étant en amont de ces recherches encore nécessaires, nous espérons que nos résultats et conclusions seront utiles aux habitants du territoire dans leur planification territoriale face aux changements climatiques, économiques et environnementaux.

Type de document: Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat)
Directeur ou directrice de recherche: Fenton, Nicole
Codirecteurs de mémoire/thèse: Bergeron, Yves
Mots-clés libres: hypothèse nulle, randomisation, patrons d’assemblage, échelles spatio- hiérarchiques, co-existence des espèces, partitionnement de la variance, Eeyou Istchee Baie-James, bryophyte, Sphagnum, hépatique, plante vasculaire, trachéophyte, profondeur de nappe, DigiBog, CMIP5
Divisions: Forêts > Doctorat en sciences de l'environnement
Date de dépôt: 13 mars 2025 19:53
Dernière modification: 13 mars 2025 19:53
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1649

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