Le dégagement manuel en peuplements mixtes : impact sur la croissance, les stocks de carbone et la qualité de l’habitat faunique

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Darquié, Léa (2024). Le dégagement manuel en peuplements mixtes : impact sur la croissance, les stocks de carbone et la qualité de l’habitat faunique. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abtibi-Témiscamingue. Depositum. https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1658

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Résumé

Le dégagement manuel est une opération sylvicole largement utilisée dans les peuplements mixtes récemment coupés et est appliquée quand la régénération est au stade de semis (i.e., environ 5 ans après reboisement). Ce dégagement permet de contrôler la compétition exercée par les essences feuillues à croissance rapide sur les essences résineuses, qui sont à croissance plus lente et en demande dans l’industrie du bois. Dans le contexte de l’aménagement écosystémique, cette opération va permettre de guider la régénération du peuplement mixte vers sa composition d’avant coupe et de protéger sa composante résineuse. Le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides Michx., « peuplier ») est cependant une essence peu impactée par le dégagement car sa stratégie de régénération par drageonnement est déclenchée par la coupe des tiges dominantes de peupliers.

Le but de cette thèse était d’étudier l’effet à court terme du dégagement manuel, dont une nouvelle variante pour de jeunes peuplements (« dégagement par le bas ») et deux traditionnellement utilisés (dégagement en plein et par puits de lumière). Le dégagement par le bas préservait 20% des plus larges tiges de peupliers dans le peuplement dégagé afin qu’elles exercent un certain degré de dominance apicale, qui inhibe le drageonnement.

L’hypothèse générale était que garder un certain degré de dominance apicale dans le peuplement permettrait de limiter naturellement le retour du peuplier, grâce à leur réseau racinaire interconnecté qui va étendre la dominance apicale des peupliers vivants dans tout le peuplement.

Le premier chapitre de cette thèse avait donc pour but de comparer la régénération des peupliers ainsi que la survie et la croissance des épinettes noires (Picea mariana [Mill.] BSP.) reboisées entre le dégagement par le bas et les différentes variantes du dégagement traditionnel : le dégagement en plein (100% de la végétation de compétition est coupée) et par puits de lumière (la végétation de compétition est coupée uniquement dans un rayon de 60 à 90 cm autour de chaque épinette noire reboisée), ainsi qu’un contrôle où il n’y a pas eu de dégagement. Les résultats ont montré que les blocs traités par dégagement par le bas et par puits de lumière avaient en moyenne 61% drageons de moins que le dégagement en plein, 4 ans après dégagement. La survie des épinettes n’a pas été impactée quel que soit le dégagement mais la croissance en diamètre a été plus importante dans le dégagement par le bas et en plein (+ 42%) par rapport au dégagement par puits de lumière et au contrôle (+ 17%). Ces résultats montrent l’efficacité à court terme du dégagement par le bas, ainsi que son potentiel à long terme, quand les peupliers sont présents dans les peuplements à dégager.

La production de bois n’est cependant pas le seul service écosystémique que peut rendre un peuplement mixte, notamment dans le contexte actuel de changement climatique. La croissance rapide des peupliers fait de cette essence un puits de carbone (C) potentiel que le dégagement risque d’influencer. Le second chapitre de cette thèse comparait les variations de stocks de C dans le sol sur une profondeur de 15 cm (« SOC », soil organic carbon) ainsi que dans la biomasse aérienne et racinaire (« biomasse vivante »), entre les différentes variantes de dégagement et un contrôle non dégagé. Le stock de SOC dans les peuplements traités par dégagement en plein étaient deux fois plus grands que dans les autres peuplements, entre 5 et 10 cm de profondeur mais il n'y avait aucune différence entre les différents traitements sur la profondeur totale. Le dégagement par le bas avait plus de deux fois plus de biomasse vivante que le dégagement total, bien que ces deux traitements soient considérés d’intensité sévère. Garder les plus grosses tiges de peuplier a donc permis de limiter la perte de biomasse aérienne conséquente retrouvée dans le dégagement en plein (- 69%) par rapport au contrôle. Les stocks de C dans les peuplements dégagés par puits de lumière étaient similaires aux stocks de C dans les peuplements non dégagés, dû à la plus faible intensité de perturbation. Le stock total de C des peuplements n’a pas changé entre les traitements, malgré une distribution différente entre les réservoirs. À ce stade de régénération, le réservoir le plus impacté par le dégagement était la biomasse vivante, et le dégagement par le bas semble être le traitement qui a le plus limité la perte de C à court terme tout en contrôlant la compétition engendrée par les peupliers.

Les peuplements mixtes en régénération abritent également différentes espèces fauniques telles que le lièvre d’Amérique (Lepus americanus Erxleben, « lièvre ») qui joue un rôle primordial dans la chaine alimentaire de cet écosystème. Le troisième chapitre a étudié l’effet du dégagement manuel à court terme sur la qualité d’habitat du lièvre et son utilisation. Des études précédentes ont montré que toute opération forestière dans le peuplement réduit le couvert de protection pour le lièvre, diminuant ainsi la qualité de l’habitat pour cette espèce, mais l’effet du dégagement manuel en particulier a été peu étudié. Nos résultats ont montré que le couvert de protection vertical était le paramètre d’habitat expliquant le mieux la présence du lièvre, et que cette présence était la plus importante dans le traitement contrôle et le dégagement par puits de lumière. Malgré un plus grand couvert de protection vertical dans les peuplements dégagés par le bas, la présence du lièvre était aussi basse que dans les peuplements dégagés en plein. L’utilisation était cependant basse dans tous les peuplements, dégagés et non dégagés. Le dégagement manuel a été appliqué 5 ans seulement après une coupe totale, et la faible présence de lièvre dans le contrôle a montré que la régénération pré-traitement était déjà insuffisante pour fournir un couvert de protection adéquat au lièvre. L’effet du dégagement manuel à court terme est donc négatif mais marginal sur la qualité de l’habitat du lièvre.

Notre étude a montré qu’augmenter la sévérité du dégagement manuel traditionnel augmentait l’accès à la lumière pour les épinettes noires mais réduisait la capacité de l’écosystème à rendre d’autres services écosystémiques. À court terme, le dégagement par le bas était aussi efficace que le dégagement en plein et limitait l’impact de l’intervention sur les stocks de C dans la biomasse vivante. Cette modalité a donc le potentiel de répondre à l’objectif de notre thèse et, à plus grande échelle, l’objectif d’aménagement écosystémique québécois. Un suivi à long terme est cependant nécessaire pour confirmer l’effet de ce dégagement mesuré uniquement sur 4 ans. Maximiser l’efficacité du dégagement permet de diriger la structure du peuplement très tôt dans la régénération du peuplement, et donc limiter les interventions par la suite pour répondre aux objectifs d’aménagement spécifiques du peuplement.

Type de document: Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat)
Directeur ou directrice de recherche: DesRochers, Annie
Informations complémentaires: Cette thèse contient des articles publiés dans des revues. Voici les liens vers les versions officielles : l’article « Retaining the largest aspen stems during motor-manual release allows to control aspen suckering in young mixedwood stands » a été publié par Elsevier dans la revue « Forest Ecology and Management » en 2024 : https://doi.org/10.1016/j.foreco.2024.121703; l’article « Motor-manual release changes carbon distribution in soil and tree biomass pools in the short term » a été publié par Canadian Science Publishing dans la revue « Canadian Journal of Forest Research » en 2025 : https://doi.org/10.1139/cjfr-2024-0208.
Mots-clés libres: dégagement manuel, peuplier faux-tremble, épinette noire, régénération, carbone, faune
Divisions: Forêts > Doctorat en sciences de l'environnement
Date de dépôt: 26 mars 2025 14:30
Dernière modification: 26 mars 2025 14:30
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1658

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