Mortier d'Aumont, Léa (2024). Comment la pratique du mandala en art-thérapie peut-elle aider à prévenir la fatigue de compassion? [Essai] Depositum. https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1689
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Résumé
INTRODUCTION
J’ai une réelle impression que la vie passe très vite, les minutes, les jours, les semaines, dire que nous sommes déjà en 2024. « Prisonniers d’emplois du temps délirants, on n’a pas le temps de respirer ni de se détendre » (Pallardy, 2002, p. 10). « Dans cette époque riche en informations, gavée de médias, vouée au nomadisme télévisuel et aux jeux électroniques, nous avons perdu l’art de ne rien faire, de fermer la porte aux bruits de fond et à ce qui nous distrait, de ralentir le rythme en restant simplement seuls avec nous-mêmes » (Honoré, 2005, p. 22). Après plusieurs deuils de près ou de loin et sept ans d’accompagnement à mon actif et en plein stage, j’ai eu comme volonté de prendre le temps et de prendre soin d’écouter avec bienveillance et pleine conscience ce qui se passe à l’intérieur, malgré mon train de vie chargé. Duchastel évoque « de grâce, laissons-nous le temps de vivre en profondeur ce qui nous atteint et de reprendre un peu notre souffle » (2016, p. 100). Autant que lorsque j’accompagne mes clients, j’aimerais être davantage présente, bienveillante, dans la compassion, le non-jugement et en écoute active envers moi-même. Aspirant à pratiquer ce formidable métier d’art-thérapeute longtemps, dans le bien-être, avec plaisir, je trouve essentiel de commencer dès maintenant à cultiver ma vitalité d’aidante. C’est en effet ce que j’ai mis en oeuvre comme méthodologie en développant une intervention pour me déposer grâce à la pratique du mandala, une fois par semaine et faire un bilan global une fois par mois, dans l’objectif de prendre soin de moi, d’identifier mes besoins du moment et de me réajuster au besoin. Le tout devient donc un premier pas vers ce chemin de paix intérieure.
De nombreuses fois, dans le cadre de mon parcours universitaire théorique et pratique, le corps professoral nous a conseillé de prendre soin de nous, du fait que l’on est notre propre outil. En effet, Docteure Pascale Brillon, directrice de l’Institut Alpha à Montréal, psychologue spécialisée dans le traitement du stress post-traumatique et professeure de psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), confirme que nous sommes notre propre outil de travail et que malgré les études, les formations suivies, notre intervention est nécessairement teintée par notre identité, nos expériences, notre vécu qui nous a façonnés et l’influence de nos relations durant notre parcours (Brillon, 2020, p. 75). Aux vues de cela, il s’avère donc essentiel pour être un bon aidant de travailler sur soi-même et d’identifier ses forces et ses failles afin de connaître ses zones de fragilité qui pourraient être réactivées au travail (Brillon, 2020, p. 75). En effet, de la même référence, il est exigé dans plusieurs écoles de psychologie que les futurs cliniciens suivent eux-mêmes une psychothérapie. Même si dans mon cursus universitaire en art-thérapie cela n’était pas exigé, j’ai suivi le conseil du corps professoral. Une stratégie pour prendre soin de moi était entre autres de participer à des cercles de femmes, « tradition ancestrale permettant de se retrouver, de se soutenir, d’échanger et de se transmettre nos savoirs » où il était question de cultiver la sororité avec bienveillance et où s’exprimer librement et explorer notre féminin sacré sont encouragés (Dermi, 2024, n.d.). En effet, « women of all ages have been forming circles dedicated to various purposes – books club, support groups, professional guidance, midlife transition and more » (Bolen, 2003, rabat). Suite à un cercle, j’ai eu la révélation, la prémisse de mon sujet d’essai : le pouvoir du cercle en art-thérapie. En faisant des recherches sur le cercle, j’ai découvert que l’histoire du cercle représente un élément important de la culture humaine depuis l’Antiquité reculée (Fincher, 1993, p. 15). En effet, le motif du cercle apparaît tôt dans l’histoire humaine […] dès le développement de notre être dans un oeuf minuscule dans la matrice sphérique de notre mère […] et « une fois nés, nous nous trouvons sur une planète ronde se déplaçant en rond autour du soleil […] expérience subliminale du mouvement circulaire perçu par notre corps et encodé dans nos cellules » (Fincher, 1993, p. 16). J’ai aussi appris que « the circle is an archetypal form that feels familiar to the psyches of most women » (Bolen, 2003, p. 6). J’ai donc pensé à ma relation au cercle et dans quels contextes j’y étais et suis exposée comme en mangeant dans des assiettes rondes, en étant assise à une table ronde, sur la route : la majorité des panneaux de signalisation, autour des feux en famille, en cercle entre amis au parc et lors de rassemblements d’équipe, etc. En effet, « rassemblés autour d’un feu [nos ancêtres] formaient naturellement un cercle, les visages tournés vers la lumière, la chaleur et l’animation du foyer central » (Fincher, 1993, p. 17). Plus récemment en avril dernier, lors de l’éclipse solaire totale, des millions de visages étaient tournés vers cette rencontre d’astres circulaires. J’ai donc eu l’élan d’approfondir mes connaissances sur le cercle et plus précisément sur le mandala en art-thérapie, exploré en surface auparavant dans plusieurs cours ou travaux universitaires lors d’expérientiels, c’est-à-dire des exercices pratiques de créations artistiques en lien avec les notions théoriques apprises.
Récemment lors d’un suivi en psychothérapie individuelle, j’ai appris l’existence de l’expression : fatigue de compassion. Ce nouveau concept m’a intriguée, de là à me demander pourquoi ne pas l’avoir entendu auparavant baignant dans l’accompagnement en relation d’aide et dans les livres universitaires de psychologie, d’intervention depuis plus de sept ans. En faisant des recherches sur le contre-transfert, j’admets avoir écrit le mot une fois dans un travail universitaire, mais à cette époque je ne saisissais pas son importance. « Les professions axées sur la relation d'aide visent, à la base, une amélioration de la situation des individus [et où] les intervenants doivent donc invariablement se préoccuper du bien-être des clients qu'ils rencontrent » pouvant avoir une influence sur leur propre santé psychologique et pouvant mener à la fatigue de compassion (Fortin, 2014, p. 7). J’étais donc en grand questionnement du pourquoi aucun professeur qui sont psychologue, psychothérapeute, thérapeute ou art-thérapeute ne nous en avait parlé alors qu’elles sont actives et premières répondantes depuis de nombreuses années.
En faisant des recherches statistiques, j’ai trouvé que « les femmes représentaient la majeure partie du personnel rémunéré des soins à autrui au Canada, soit les trois quarts (75%) de cet effectif en 2016 » (Khanam et al., 2022, n. d.). Les professions en relation d’aide soient : conseillère d’orientation, psychoéducatrice, travailleuse sociale, thérapeute conjugale et familiale, psychologue, art-thérapeute, infirmière, sexologue, criminologue, intervenante en toxicomanie, technicienne en intervention délinquance, éducatrice spécialisée, technicienne en travail social représentent une prédominance féminine. En effet, rapporté sur un échantillon de 11 millions suite à une enquête, 75% des aidants naturels sont des femmes (Morice, 2019, p. 59). Le fait que celles-ci prennent « le temps d’aider autrui, de les réconforter, de les aider à supporter leur douleur et de les guider vers le chemin parfois si difficile de la guérison » fait en sorte qu’elles sont plus à risque d’être confrontées à la fatigue de compassion (Pallardy, 2002, épigraphe). À mon avis, certaines professionnelles choisissent et exercent leur métier pour répondre à leur principe féminin et à leur instinct maternel de soutien, de conseil, de présence, d’amour et de compassion, tel un instinct inné. Ceci n’exclut en rien le fait que certains professionnels aient ce même instinct inné.
En période d’inspiration pour mon essai, je trouvais intéressant d’explorer le lien entre la mise en pratique de la création à l’intérieur de la forme du cercle rappelant certains principes féminins (les formes, les rondeurs, les cycles, la lune, la sensibilité, l’intuition, les émotions) et le rapport à l’aide prodiguée à autrui telle une forme de compassion et de don de soi inconditionnel. Dans le cadre de cet essai en art-thérapie, je souhaite explorer l’interrelation de la pratique du mandala et la fatigue de compassion. En effet, j’aimerais expérimenter si la pratique hebdomadaire du mandala a une incidence positive sur ma santé mentale et si elle peut exercer un rôle de catalyseur pour adresser, grâce à la création, mon vécu professionnel. « En reconnaissant la réalité autonome de l’imaginaire et en s’y soumettant humblement, on rend possible une guérison symbolique beaucoup plus profonde et spirituelle que tout ce que propose la médecine moderne. La création artistique est une expérience concrète, immédiate qui déjoue l’autocensure, rend visibles les mouvements inconscients de la psyché et donne accès aux enseignements de sagesse de l’âme » (Duchastel, 2016, p. 101). En effet, la pratique du mandala implique de créer spontanément de façon hebdomadaire avec différents médiums artistiques, et ce, à l’intérieur d’un cercle en guise de frontière concrète et symbolique. À la fin de chaque semaine de stage, je souhaite créer un mandala à titre de collecte de données pour ensuite en analyser ce qu’il en ressort par l’intermédiaire d’un guide de réflexion que j’ai créé en explorant différentes composantes de l’image où mon « attention [sera] portée à la pré-image, c’est-à-dire à la ligne, la forme et la couleur qui composent l’image » (Duchastel, 2016, p. 28).
Brillon mentionne dans ses derniers travaux que Linnerooth, psychologue-officier responsable de la santé mentale dans l’armée américaine, avait dénoncé publiquement dans le TIME magazine et l’American Psychological Association Journal : « le manque de soutien pour les intervenants en santé mentale » et le stress induit par son travail avant de se suicider en retournant une arme contre lui alors qu’il était en pleine santé physique, marié et père de trois enfants (2013, p. 30). Dans son mémoire, à la suite de la lecture de plusieurs recherches, Fortin en conclut et rapporte que « les jeunes travailleurs et les intervenants inexpérimentés sont plus à risque de développer des problématiques comme la fatigue de compassion et le trauma vicariant puisque leurs moyens d'adaptation et de protection reliés à la profession sont peu établis » (2014, p. 27).
Constatant les nombreuses conséquences de la fatigue de compassion impliquant une fatigue mentale, dont plusieurs manifestations de détresse, et voulant limiter les risques de la développer dès maintenant en post-carrière, je me suis donné comme mandat de prendre soin de moi parallèlement à mon accompagnement clinique.
Dans cet essai, il sera d’abord question de la présentation de la problématique et de ma question de recherche et de ses objectifs. Puis, je poursuivrai avec une revue de la littérature récente, notamment sur la fatigue de compassion, ses lacunes conceptuelles, ses impacts sur les professionnels en relation d’aide, certaines stratégies d’adaptation et les effets du mandala en art-thérapie auprès de clientèles spécifiques. Ensuite, dans le cadre conceptuel, je développerai les concepts de fatigue de compassion, d’auto-soin et du mandala en art-thérapie. Finalement, après avoir présenté et analysé les données, je discuterai de mes résultats récoltés.
Type de document: | Essai |
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Directeur ou directrice de recherche: | Couture, Nancy |
Mots-clés libres: | Art-thérapie, mandala, fatigue de compassion, prévention, auto-soin, stratégies, facteurs |
Divisions: | Art-Thérapie > Maîtrise en art-thérapie |
Date de dépôt: | 02 juin 2025 17:43 |
Dernière modification: | 02 juin 2025 17:43 |
URI: | https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1689 |
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