Géochimie du manganèse : immobilisation dans les solides des eaux naturelles et du drainage minier

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Le Bourre, Bryce (2020). Géochimie du manganèse : immobilisation dans les solides des eaux naturelles et du drainage minier. (Mémoire de maîtrise). Polytechnique Montréal. Repéré dans Depositum à https://depositum.uqat.ca/id/eprint/960

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Résumé

La contamination par le drainage minier (DM) est la conséquence de l’infiltration des précipitations à travers les rejets miniers, notamment ceux issus des haldes à stériles et des parcs à résidus. Ces eaux contaminées sont caractérisées par un pH variable et des concentrations en métaux, métalloïdes et sulfates souvent supérieures aux critères réglementaires. La prévention de la formation du DM et la gestion responsable des eaux contaminées représentent un défi environnemental majeur pour l’industrie minière et les gouvernements. Les contaminants présents dans le DM soulèvent des préoccupations croissantes à cause de leur toxicité pour la santé humaine, la faune et la flore. Le manganèse (Mn) est l’un de ces contaminants « émergents », dont le comportement chimique complexe dans le DM ainsi que le manque de connaissances sur les conditions optimales de son enlèvement limitent l’efficacité de son traitement. De plus, le milieu naturel est l’exutoire final de ces effluents miniers et peu d’études ont été menées sur le comportement du Mn dans les eaux réceptrices.
Les systèmes de traitement passif actuels du DM permettent l’enlèvement du Mn par des processus physicochimiques ou biologiques, et doivent dans certains cas être combinés pour améliorer l’efficacité du traitement. Ces procédés utilisent pour principal mécanisme d’enlèvement des métaux la précipitation sous forme d’oxyhydroxydes, de sulfures et de sulfates. Le Mn pose toutefois des problèmes, dans la mesure où il ne forme pas facilement des minéraux sulfureux et nécessite un pH élevé (> 8) pour une oxydation abiotique de Mn(II) en Mn(III) ou Mn(IV), peu solubles. La mobilité et la cinétique de réaction du Mn sont très dépendantes des paramètres comme le pH, le potentiel d'oxydoréduction (Eh), la température et l’alcalinité. De plus, sa précipitation est inhibée par la présence de certains éléments, tel que le fer (Fe), consommant l’agent oxydant dans l’eau, ou encore par le phénomène de dissolution réductrice. Le Mn(IV) y joue le rôle d’accepteur d’électrons en présence de sulfures, de nitrites, de composés organiques et de Fe(II) qui eux s’oxydent, tandis que le Mn est solubilisé et réintroduit en solution sous forme de Mn(II). C’est pourquoi, l’enlèvement du Mn est généralement réalisé après celui des autres éléments métalliques ou des contaminants inhibiteurs, et nécessite donc une seconde unité de traitement (polissage) pour permettre une oxydation et une précipitation efficaces.

Des essais de traitement de DM antérieurs à ce projet et réalisés dans des réacteurs à colonnes (avec écoulement), utilisant un matériau alcalin modifié, la dolomite mi-calcinée, ont donné des résultats très prometteurs pour l’enlèvement du Mn. En effet, il a été rapporté que les essais sur un drainage neutre contaminé (DNC) synthétique (S-DNC; pH 6,8; 46,1 mg/L Mn) permettaient un enlèvement du Mn à hauteur de plus de 95% et ce, sur 225 jours de traitement. Les tests effectués sur un DNC réel (R-DNC; pH 6,7; Mn : 0,6 mg/L; Fe : 0,05 mg/L) ont, quant à eux, révélé une diminution de 90% du Mn en solution et ce, pendant 176 jours de traitement. En revanche, sur un drainage minier acide (DMA) réel, fortement contaminé en fer (pH 2,4; 623 mg/L Fe; 22 mg/L Mn), l’enlèvement du Mn s’est avéré inefficace après une semaine seulement, tandis que le Fe était toujours traité même après 8 semaines. Ces résultats encourageants ont néanmoins soulevé des questionnements et mis les bases des besoins en recherche concernant la compréhension des mécanismes qui interviennent dans les processus de mobilisation et d’immobilisation du Mn dans le DM. De plus, comme évoqué précédemment, le comportement du Mn dans les eaux de surface après son rejet dans l’environnement demeure assez peu documenté.

Dans ce contexte, le premier axe de recherche de la présente étude est de déterminer les mécanismes responsables de la mobilité et du changement de forme du Mn dans le DM. La caractérisation de la surface des solides formés lors du traitement de DM contaminé au Mn étant insuffisamment explorée, mais nécessaire pour mieux définir les paramètres de traitement de l’élimination du Mn de l’eau de mine. Pour cela, l’étude s’est basée sur une évaluation comparative des mécanismes d'élimination et d’immobilisation du Mn sur les solides modifiés provenant des essais de traitement en colonnes de DMA et de DNC synthétiques en laboratoire (dolomite mi-calcinée; Calugaru et al., 2016). Des solides issus d’un traitement passif de DMA (calcite) existant sur un site minier réhabilité en Abitibi-Témiscamingue ont également été utilisés. Cette évaluation a été accomplie au moyen d’une caractérisation chimique et minéralogique des solides étudiés, complétée par des essais de lixiviation destinés à déterminer la mobilité du Mn à long terme. Une des étapes majeures dans la conception d’un traitement adéquat étant la caractérisation de l’effluent et du contaminant à traiter, ainsi que de la stabilité du solide immobilisant le contaminant.

En parallèle, un deuxième axe de recherche a été mené avec pour objectif d’étudier la mobilité du Mn dans le milieu naturel. Plus spécifiquement, les mécanismes associés au transport du Mn et à son comportement hydrogéochimique dans un environnement potentiellement influencé par les activités minières : la rivière Harricana en Abitibi-Témiscamingue. Les investigations ont été réalisées sur la base de mesures des paramètres physicochimiques, d’échantillons d’eau de surface, de sédiments en suspension (SES) et de carottages de sédiments de fonds. Le suivi de la mobilité spatiale et saisonnière du Mn dissous et solide a été établi sur la base de quatre campagnes d’échantillonnage. Enfin, la modélisation géochimique obtenue via les analyses chimique et physicochimique a permis de déterminer les formes solides du Mn susceptibles d’être rencontrées dans ces eaux naturelles et d’en étudier leur mobilité.

Les résultats de l’évaluation comparative des quatre résidus provenant de systèmes de traitement passifs de DMA et de DNC réels, ainsi que de DNC synthétique, ont permis d’avancer plusieurs conclusions. Les caractérisations minéralogiques des solides post-traitements ont démontré que, dans le DM, le Mn était immobilisé sous la forme d’oxydes de Mn [MnO] retenu en surface de la dolomite mi-calcinée. Pour les résidus de dolomite mi-calcinée confrontée à un DMA réel, les analyses minéralogiques et la modélisation à l'équilibre géochimique ont révélé que le Fe et les SO42- précipitaient abondamment en surface de la dolomite sous forme d'oxydes de fer et d'hydroxysulfates (gypse, schwertmannite). Ce phénomène est responsable de la diminution rapide de la capacité de neutralisation du matériau et de l’inhibition de l’enlèvement du Mn dans le traitement du DMA contaminé en Fe. À l’inverse, les analyses chimiques de la dolomite mi-calcinée confrontée au DNC synthétique ont révélé que le Mn a été immobilisé avec une augmentation de 87% de sa concentration dans le matériau. De plus, la dolomite mi-calcinée a conservé des propriétés neutralisantes importantes dans le temps. Le pH de la pâte le plus élevé a été trouvé pour les résidus de R-DNC et de S-DNC, avec des valeurs de 8,5 et 8,8, respectivement. Ceci a été attribué à la présence de brucite [Mg(OH)2] dans les échantillons, probablement produite par l'hydratation de la périclase (MgO), détectée durant les analyses. À la lumière de ces résultats, deux mécanismes d’immobilisation du Mn se produisant dans les résidus S-DNC ont été identifiés : i) l’oxydation du Mn(II) dissous en Mn(III)→Mn(IV), peu solubles, puis sa précipitation en surface de la dolomite sous forme d’oxydes [MnO2(s)], à pH > 8; ii) l’adsorption du Mn(II) sur la surface du minéral résultant [MnO2(s)]. Dans le DMA, l’incapacité du Mn à s’oxyder puis à précipiter sur la surface de la dolomite a été attribuée à la présence d’agents réducteurs, responsables du processus de dissolution réductrice de Mn(II), tels que le Fe et les sulfures (S2-), ces derniers se servant des oxydes de Mn fraîchement formés comme accepteurs d’électrons (e-) finaux pour leur propre oxydation.

Le deuxième axe de recherche portant sur l’étude de la mobilité et les formes du Mn présent dans la rivière Harricana a permis d’établir plusieurs constats. Les analyses réalisées sur les eaux de surface et les SES ont démontré que le Mn dissous est la phase dominante dans les eaux de la rivière Harricana et ce, sur l’ensemble des périodes étudiées à savoir août-octobre 2018 et mars-mai 2019. La répartition des concentrations en Mn dans la colonne d’eau, sa mobilité et sa spéciation (dissous vs. particulaire) est tributaire des variations hydrologiques saisonnières, en particulier des changements de température, du pH et des conditions d’oxydoréduction. Les concentrations les plus élevées en Mn particulaire présent dans les SES ont été mesurées durant le mois d’août 2018. Les calculs thermodynamiques indiquent que les oxyhydroxydes de Mn sont les formes les plus susceptibles de précipiter à cette période de l’année avec par ordre d’importance du champ de stabilité : pyrolusite > bixbyite > birnessite > manganite > hausmannite. Les analyses µXRF des carottes de sédiments ont révélé que les concentrations les plus élevées en Mn se trouvent dans les vingt premiers centimètres de sédiments, proches de l’interface eau-sédiments. La répartition géochimique du Mn dans les sédiments a révélé des concentrations moyennes comprises entre 0,05 et 0,06 ppm dans les carottes des sédiments de fonds échantillonnées. L’incorporation permanente du Mn dans les sédiments semble un processus mineur et contrôlé par la dissolution réductrice du Mn particulaire fraîchement oxydé, rapidement remis en solution dans la colonne d’eau.

Ainsi, la caractérisation des complexes de surfaces formés sur les solides issus de post-traitement passif ont permis de mieux appréhender les mécanismes et les formes de Mn arrivant dans ces procédés de traitement. Les connaissances acquises sur les conditions d’immobilisation par sorption et précipitation du Mn dans le DM vont ainsi permettre d’optimiser les essais de traitement futur. De plus, l’étude a permis de confirmer que les matériaux modifiés comme la dolomite sont viables et prometteurs pour le traitement des métaux et métalloïdes dans le DNC contaminé. L’utilisation de ces matériaux locaux facilement disponibles à l’état naturel et peu dispendieux, même après modification, est aussi un moyen de diminuer les coûts des traitements passifs. L’évaluation de l’occurrence et du comportement du Mn dans le milieu naturel, effectué en parallèle de celui réalisé en contexte minier, a également permis d’avoir une vision globale sur la mobilité de ce contaminant dans des milieux potentiellement impactés. Cette évaluation du comportement hydrogéochimique du Mn en milieu naturel constitue un élément d'originalité du projet.
À la suite de ces travaux, il est recommandé d’évaluer les performances et la longévité de la dolomite mi-calcinée dans des conditions d'écoulement continu et à plus grande échelle. Le recours à des bactéries oxydant le Mn serait également une piste à étudier pour accroître la cinétique d’oxydation du Mn(II). La stabilité à long terme et le comportement géochimique des résidus de traitement et des contaminants immobilisés devra également être pris en considération dans le cas de nouveaux essais. Enfin, des investigations supplémentaires devront être réalisées pour approfondir les connaissances sur le comportement hydrogéochimique du Mn dans son ensemble.

Type de document: Thèse ou mémoires (Mémoire de maîtrise)
Directeur de mémoire/thèse: Neculita, Carmen Mihaela
Codirecteurs de mémoire/thèse: Rosa, Éric et Coudert, Lucie
Mots-clés libres: manganèse, drainage minier, eaux naturelles, résidus post-traitement, sédiments
Divisions: Génie > Maîtrise en génie minéral
Date de dépôt: 17 mars 2020 18:00
Dernière modification: 17 mars 2020 18:00
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/960

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