Intégrer les connaissances traditionnelles des communautés cries dans la végétalisation tout en maintenant la performance technique de la restauration sur un parc à résidus miniers

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Cissé, Mohamed Kadiatou (2023). Intégrer les connaissances traditionnelles des communautés cries dans la végétalisation tout en maintenant la performance technique de la restauration sur un parc à résidus miniers. (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Depositum. https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1554

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Résumé

RÉSUMÉ

L’implication des communautés autochtones et la prise en compte de leurs connaissances traditionnelles dans la planification du processus de restauration des sites miniers, incluant la végétalisation, sont récentes et peu étudiées. En effet, en dehors de l’existence de quelques lignes directrices, il existe encore très peu d’études sur le sujet. Pourtant, la documentation des attentes des communautés autochtones vis-à vis des processus de restauration minière (incluant la végétalisation) s’avère nécessaire pour un développement minier responsable. Par ailleurs, les quelques travaux disponibles sur l’effet de la végétation sur des recouvrements miniers n’ont pas été effectués pour vérifier la compatibilité des attentes des communautés autochtones et du maintien de la performance technique de la restauration.

De plus, dans un écosystème forestier boréal, il peut s'écouler plusieurs décennies (voire des centaines d'années) avant que la succession naturelle des plantes n'établisse des forêts matures sur des recouvrements utilisés dans la restauration minière. Toutefois, la restauration de sites miniers avec ces recouvrements est une pratique relativement récente; les techniques modernes de restauration n’ont commencé à être utilisées qu'au cours des 30 dernières années. L’absence d’études de suivi multidécennales est donc un obstacle à la compréhension des effets des forêts matures sur la performance des recouvrements construits. Or, les recouvrements sont censés être efficaces pendant des centaines d’années. Peu d'études antérieures ont documenté l'évolution de la performance des recouvrements par rapport aux processus écologiques. Les modèles numériques actuels utilisés pour prédire l'hydrogéologie non saturée des recouvrements peuvent intégrer les effets de la végétation, mais les changements environnementaux à long terme, le développement du sol et la succession écologique ne sont généralement pas pris en compte. Or, la capacité à prédire comment les changements écologiques pourraient affecter la performance des recouvrements est cruciale.

Afin de traiter ce sujet de recherche, le cas d’étude de la mine Éléonore est utilisé. Cette dernière est située sur le territoire Cri (dans la zone boréale du Nord du Québec, au Canada). Les Cris sont ainsi impliqués dans la restauration du site minier. Le parc à résidus miniers (PAR), situé sur le territoire du maitre de trappe du VC-29, sera restauré avec un recouvrement multicouche et végétalisé conformément à la règlementation. Or, le maitre de trappe du VC-29 (gardien du territoire) priorise la végétalisation sur les recouvrements avec des plantes qui pourraient avoir un enracinement assez profond. Ces plantes et leur enracinement doivent être compatibles avec la performance technique du mode de restauration.

Ainsi, ce projet de recherche vise à concilier la vision des communautés autochtones cries de la végétalisation et la restauration technique d’un parc à résidus miniers (PAR) en prenant en compte leurs connaissances traditionnelles et la performance des recouvrements multicouches à long terme en présence de végétation forestière mature. Ses principaux axes de recherche sont: (1) documenter la vision des Cris pour le scénario de végétalisation d’un parc à résidus miniers et la perception des autres parties prenantes vis-à-vis de leur vision, (2) vérifier la compatibilité de la vision des Cris et du maintien de la performance technique de la restauration (option 1 du recouvrement envisagé par la mine), à long terme et (3) vérifier la compatibilité de la vision des Cris et du maintien de la performance technique de la restauration (option 2 du recouvrement envisagé par la mine), à long terme.

Pour traiter ces axes de recherche et atteindre l’objectif principal visé dans cette thèse, l’approche méthodologique adoptée consista, pour l’axe 1, à mener des enquêtes auprès des parties prenantes. Ainsi, des entretiens semi-structurés ont été organisés avec le maître de trappe du VC-29, pour connaître les espèces végétales qu’il priorise dans le scénario de végétalisation du PAR, et avec la mine Éléonore, le Gouvernent de la Nation crie, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts d u Québec et le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de l a Faune et des Parcs du Québec pour connaitre leurs perceptions de la vision du maitre de trappe du VC-29 du scenario de végétalisation du PAR. Enfin, pour les axes 2 et 3, des investigations quantitatives ont été réalisées dans des analogues naturels de recouvrements multicouches pour vérifier la quantité et le type de racines (des plantes ciblées par le maître de trappe du VC-29) qui atteignent les couches vulnérables du recouvrement.

Les résultats de l’axe 1 ont montré que toutes les parties prenantes sont d’accord sur l'importance d’impliquer les Cris et d'intégrer leurs connaissances traditionnelles dans le processus de végétalisation du PAR, bien que cela ne soit pas exigé par le gouvernement du Québec. Par ailleurs, des visions différentes du scenario de végétalisation du PAR furent montrées par les résultats. En effet, sur la base de ses connaissances traditionnelles, le maître de trappe du VC-29 préfère utiliser uniquement du pin gris comme stratégie de gestion des risques pour détourner les animaux du PAR restauré, car il pense que les PARs sont des zones contaminées. Tandis que d'autres parties prenantes (la mine et le gouvernement du Québec) accordent la priorité aux aspects techniques de la restauration du PAR afin d'assurer l'intégrité du recouvrement (éviter l'érosion et les racines profondes des plantes, notamment), et ce, pour contrôler la propagation des contaminants, à court et à long terme.

Pour les axes 2 et 3, des critères pour vérifier l'analogie entre un recouvrement multicouche construit et son analogue naturel ont été d’abord développés (en particulier, le niveau de la nappe phréatique, les propriétés hydrogéologiques des matériaux et le contraste requis entre ces propriétés). Pour l’axe 2, les systèmes racinaires de neuf pins gris matures (âgés de 77 à 119 ans) et de quatre épinettes noires matures (une des espèces dominantes dans la zone boréale, âgées de 7 6 à 94 ans) furent étudiés sur du sable bien drainé dans les environs du site minier d’Éléonore. Ce substrat fut utilisé comme analogue de la couche grossière placée sur celle de faible perméabilité d’un recouvrement multicouche (option 1 du recouvrement envisagé par la mine). La profondeur maximale d'enracinement et la colonisation racinaire le long du profil du sol furent caractérisées par espèce. Les résultats obtenus ont montré que la profondeur maximale d'enracinement du pin gris et de l’épinette noire était de 100 cm et 60 cm, respectivement. L’occurrence et la densité des racines des deux espèces, ainsi que le RLD (Root Length Density ; densité de longueur de racines) du pin gris, étaient principalement concentrées (> 80 %) dans les 30 premiers centimètres du sable.

Pour l’axe 3, le système racinaire de neuf pins gris matures (âgés de 61 à 89 ans) furent étudiés sur du sable placé sur une couche de silt (utilisé comme analogue d’un recouvrement multicouche de type couverture à effets de barrière capillaire; CEBC; option 2 du recouvrement envisagé par la mine) à Saint-Mathieu d’Harricana, Amos, Québec. Ce site avait les mêmes conditions climatiques, pendant l’étude en 2021, que celles projetées sur le site minier Éléonore en 2100, sous l’effet des CC (RCP 8,5 ; modèle climatique CMIP5). Ainsi, la profondeur maximale d'enracinement des arbres et la colonisation racinaire le long du profil du sol ont été caractérisées. Les résultats obtenus ont montré que la profondeur maximale d'enracinement de l’espèce était de 1,6 m à partir de la surface du sol. Aussi, les racines du pin gris étaient capables de pénétrer la couche de silt, et ce, jusqu'à 120 cm. Par ailleurs, l'occurrence et la densité des racines ainsi que le RLD étaient principalement concentrées (> 90 %) dans les 50 premiers centimètres du sable.

Les résultats de cette étude ont donc permis de (a) documenter le processus de co-conception pour mieux intégrer les connaissances traditionnelles cries dans le scénario de végétalisation du PAR de la mine Éléonore et (b) de fournir des données utiles sur la colonisation racinaire à long terme des recouvrements (issues de l’utilisation, pour la première fois, d’analogues naturels de recouvrements multicouches) qui permettront de :
➢ ajuster l'épaisseur de la couche de protection à placer au-dessus de celle de faible perméabilité dans un recouvrement multicouche construit pour restaurer un PAR;
➢ ajuster l'épaisseur de la couche de protection à placer au-dessus de celle de rétention d’humidité dans une CEBC;
➢ insérer des données racinaires réalistes à long terme dans les modèles permettant de prédire la performance des recouvrements multicouches.

Finalement, ce travail multidisciplinaire élargi a permis de développer un modèle d’approche intégrant des considérations de savoir traditionnel aussi bien que d’ingénierie de la restauration pour répondre à des enjeux de performance à long terme de la restauration d’un parc à résidus miniers en territoire cri.

ABSTRACT

There is still very little research on collaboration with Indigenous communities and their traditional knowledge integration into mine reclamation (including revegetation process) and only a few guidelines and little knowledge of best practices. However, documenting the visions of Indigenous communities for the mine reclamation processes (including revegetation) is necessary for sustainable mining. Furthermore, the few studies available on the effect of vegetation on cover systems have not been carried out to check the compatibility of Indigenous people’s visions and maintaining the engineered cover technical performance.

Moreover, in a boreal forest ecosystem, it can take several decades to hundreds of years before natural plant succession establishes mature forests on newly constructed engineered cover systems. However, mine site reclamation is a relatively new practice, with modern reclamation technologies only having begun to be applied over the past 30 years. The absence of multidecadal monitoring studies is, therefore, a challenge to understanding the effects of mature forest vegetation on the performance of engineered cover systems. The lack of multidecadal follow-up studies is therefore an obstacle to understanding the effects of mature forests on the performance of constructed engineered cover systems. Yet cover systems are supposed to be effective for hundreds of years. Few previous studies have documented the evolution of cover systems performance in relation to ecological processes. Current numerical models used to predict the unsaturated hydrogeology of cover systems can incorporate the effects of vegetation, but long-term environmental changes, soil development and ecological succession are generally not taken into account. Yet the ability to predict how ecological changes might affect cover systems performance is crucial.

To address this research topic, the case study of the Éléonore mine is used. The mine is located on Cree territory in northern Quebec. As such, the Crees are involved in the site reclamation process. The tailings storage facility (TSF) (located in VC-29′s trapline) will be reclaimed with multilayered covers and revegetated in compliance with regulations. However, the tallyman of VC-29 (the guardian of the territory) prioritizes revegetation of the cover system with plants that could have deep enough roots. These plants and their roots must be compatible with the technical performance of the reclamation method.

The aim of this research project is to reconcile the vision of the Cree communities for the revegetation and technical reclamation of a TSF taking into account their traditional knowledge while maintaining the performance of multilayered covers in the presence of mature forest vegetation, in the long term. Its main lines of research are: (1) to document the vision of the Cree community for the TSF revegetation scenario and the perception of other stakeholders in the TSF reclamation co-design process towards their vision, (2) to check the compatibility of the rooting of the plants targeted by the Cree community and maintaining the cover system technical performance (option 1 of the mine's proposed cover system), in the long term, and (3) to check the compatibility of the rooting of the plants targeted by the Cree community and maintaining the cover system technical performance (option 2 of the mine's proposed cover system), in the long term.

To address these lines of research and achieve the main objective of this study, the methodological approach adopted for line 1 was to conduct stakeholder surveys. Semi-structured interviews were held with the tallyman of VC-29, to find out which plant species he prioritized in the TSF revegetation scenario, and with the Éléonore mine, the Cree Nation Government, the Quebec Ministère des Ressources naturelles et des Forêts and the Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs, to find out their perceptions of the tallyman of VC-29's vision for the TSF revegetation scenario. Finally, for lines 2 and 3, quantitative investigations were carried out in natural analogues of multilayered covers to verify the quantity and type of roots (of plants targeted by the tallyman of VC-29) reaching vulnerable layers of the cover systems.

The results of the line 1 showed that all stakeholders agreed on the importance of involving the Cree community and integrating their traditional knowledge into the TSF revegetation scenario, although not required by the Quebec government. The differences of opinion were mainly related to the scenario for revegetating the TSF. Based on his traditional knowledge, the tallyman of VC-29 prefers to use only jack pine to divert animals from the reclaimed TSF, as he believes that TSFs are toxic areas. Other stakeholders prioritize the technical aspects of the TSF reclamation to ensure the integrity of the cover system, avoiding deep roots and erosion, in particular, to control the spread of contaminants.

For lines 2 and 3, criteria for verifying the analogy between a constructed multilayered cover system and its natural analogue were first developed (in particular water table level, hydrogeological properties of the materials and the required contrast between these properties). For line 2, the root systems of nine mature jack pines (aged 77 to 119 years) and four mature black spruces (one of the dominant species in the boreal zone, aged 76 to 94 years) was studied on well-drained sand in the vicinity of the Éléonore mine site. This substrate was used as an analogue of the protection layer placed on top of the barrier layer in a multilayered cover system (option 1 of the mine's proposed cover system). Maximum rooting depth and root colonization along the soil profile were characterized by species. Results showed that maximum rooting depths for jack pine and black spruce were 100 cm and 60 cm, respectively. The occurrence and density of roots of both species, as well as the RLD (Root Length Density) of jack pine, were mainly concentrated (>80%) at the top 30 cm of the sand.

For line 3, the root systems of nine mature jack pine (aged 61 to 89 years) was studied in a sand over the silt (used as a cover with capillary barrier effects [CCBE] analogue; option 2 of the mine's proposed cover system) at Saint-Mathieu d'Harricana, Amos, Quebec. This site had the same climatic conditions, during the 2021 study, as those projected for the Éléonore mine site in 2100, under the effect of CC (RCP 8.5; CMIP5 climate model). The maximum rooting depth of plants and root colonization along the soil profile were characterized. Results showed that the species' maximum rooting depth was 160 cm from the soil surface. Also, the roots of jack pine were able to penetrate the silt layer up to 120 cm. Root occurrence, density and RLD were mainly concentrated (>90%) in the top 50 cm of sand.

The results of this study made it possible to (a) document the co-design process for better integrating Cree traditional knowledge into the Éléonore mine TSF revegetation scenario, and (b) provide useful data (from the use of natural analogues of multilayered cover systems, for the first time) to:
➢ adjust the thickness of the protective layer to be placed above the barrier layer in a multilayered cover systems;
➢ adjust the thickness of the protective layer to be placed above the moisture-retaining layer in a CCBE;
➢ insert realistic long-term root data into models used to predict the performance of multilayered cover systems.

Finally, this extended multidisciplinary research has enabled to develop a model approach integrating considerations from both the traditional knowledge and the reclamation engineering to meet the long-term performance challenges of reclaiming a tailings storage facility in Cree territory.

Type de document: Thèse ou mémoires (Thèse de doctorat)
Directeur ou directrice de recherche: Guittonny, Marie
Codirecteurs de mémoire/thèse: Bussière, Bruno et Keeling, Arn
Informations complémentaires: Institution en extension : Polytechnique Montréal. // Cette thèse contient des articles publiés dans des revues. Voici les liens vers les versions officielles : l’article « Integration of Cree traditional ecological knowledge (TEK) into the revegetation process of the Eleonore mine tailings storage facility » a été publié par Elsevier dans la revue « The Extractive Industries and Society » en 2023 : https://doi.org/10.1016/j.exis.2023.101263. L’article « Characterisation of the Pinus banksiana root system on analogues of a cover with capillary barrier effects » a été publié par Taylor & Francis dans la revue « International Journal of Mining, Reclamation and Environment » en 2024 : https://doi.org/10.1080/17480930.2024.2394325.
Mots-clés libres: Analogue naturel, connaissances traditionnelles, design de la couche de protection, intégrité des recouvrements multicouches, mine Éléonore, maitre de trappe du VC-29, végétalisation du parc à résidus miniers, système racinaire du pin gris, natural analogue, traditional knowledge, protection layer design, integrity of multilayered covers, Éléonore mine, tallyman of VC-29, TSF revegetation, jack pine root system
Divisions: Mines et eaux souterraines > Doctorat en génie minéral
Date de dépôt: 10 avr. 2024 19:02
Dernière modification: 28 mai 2025 14:01
URI: https://depositum.uqat.ca/id/eprint/1554

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